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rait lorsque sa femme coupa violemment le prépuce de l’enfant et le jeta aux pieds de Iahwe en lui disant : « Tu m’es un époux de sang. » La destruction du prépuce a satisfait le dieu qui ne détruit plus Moïse racheté. Il n’y a pas de sacrifice où n’intervienne quelque idée de rachat.

Mais cette première explication n’est pas assez générale, car, dans le cas de l’offrande, la communication se fait également par un intermédiaire, et pourtant il n’y a pas destruction. C’est qu’une consécration trop forte a de graves inconvénients, alors même qu’elle n’est pas destructive. Tout ce qui est trop profondément engagé dans le domaine religieux est, par cela même, retiré du domaine profane. Plus un être est empreint de religiosité, plus il est chargé d’interdits qui l’isolent. La sainteté du Nazir le paralyse. D’un autre côté, tout ce qui entre en contact trop intime avec les choses sacrées prend leur nature et devient sacré comme elles. Or le sacrifice est fait pour des profanes. L’action qu’il exerce sur les gens et sur les choses est destinée à les mettre en état de remplir leur rôle dans la vie temporelle. Les uns et les autres ne peuvent donc entrer utilement dans le sacrifice qu’à condition de pouvoir en sortir. Les rites de sortie servent en partie à ce but. Ils atténuent la consécration ; mais, à eux seuls, ils ne pourraient l’atténuer assez si elle avait été trop intense. Il importe donc que le sacrifiant ou l’objet du sacrifice ne la reçoivent qu’amortie, c’est-à-dire d’une manière indirecte. C’est à quoi sert l’intermédiaire. Grâce à lui, les deux mondes en présence peuvent se pénétrer tout en restant distincts.

Ainsi s’explique un caractère très particulier du sacrifice religieux. Dans tout sacrifice, il y a un acte d’abnégation, puisque le sacrifiant se prive et donne. Même cette abnégation lui est souvent imposée comme un devoir. Car le sacrifice n’est pas toujours facultatif ; les dieux l’exigent. On leur doit le culte, le service, comme dit le rituel hébreu ; on leur doit leur part, comme disent les Hindous. — Mais