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lui rend ses droits pour qu’il offre le sacrifice et l’on célèbre la fête comme nous l’avons décrite.

Voilà les faits : que signifient-ils ? Il y a trois actes à distinguer dans cette fête : 1o la mort de la victime ; 2o la communion ; 3o la résurrection de la victime[1].

Au début de la cérémonie, des gâteaux et des grains sont déposés sur l’autel. Ce sont probablement les prémices des blés battus[2]. Cette oblation est analogue à toutes celles qui permettent aux profanes l’usage des récoltes. Toute la sainteté du blé à battre a été concentrée dans les gâteaux[3]. Le bœuf y touche ; la soudaineté du coup qui le frappe montre que la consécration a passé sur lui, foudroyante. Il a incarné l’esprit divin logé dans les prémices qu’il a mangées. Il devient cet esprit, si bien que son meurtre est un sacrilège. Toujours, la victime du sacrifice agraire représente symboliquement les champs et leurs produits. Aussi est-elle mise en relation avec eux avant la consécration définitive. Dans le cas présent le bœuf mange le gâteau des prémices, ailleurs, il est promené à travers les champs, ou bien la victime est tuée avec les instruments agricoles ou enterrée à mi-corps.

Mais les faits doivent être considérés sous une autre face. En même temps que le champ, la victime peut représenter aussi les fidèles qui vont profaner la récolte en s’en servant[4]. Non seulement les produits de la terre écartaient le sacrifiant, mais encore le sacrifiant pouvait être dans un état tel qu’il devait en rester éloigné. Le sacrifice devait

  1. Eusèbe, Praep. Ev., III, 2, 9, a vu dans la mort d’Adonis le symbole de la récolte fauchée. Mais c’est se faire du rite une idée vague et étroite.
  2. Mommsen, loc. cit., pense que les Bouphonies sont une fête du battage.
  3. Stengel, loc. cit., prétend que le superposition du sacrifice sanglant à l’offrande des prémices dans les Dipolia est un cas de substitution du sacrifice sanglent aux offrandes végétales.
  4. Cato, de Agric., 14. — Ambarvalia, Marquardt, VI, p. 200, n. 3. — Cf. Frazer, Gold. B., I, p. 39. — Voir des exemples fort clairs du même genre de faits : Sartori, Bauopfer, p. 17. Pinza, op. cit., p. 154.