Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/136

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Souvent, un changement de nom marque cette recréation de l’individu. On sait que le nom est, dans les croyances religieuses, intimement lié à la personnalité de celui qui le porte : il contient quelque chose de son âme[1]. Or le sacrifice s’accompagne assez souvent d’un changement de nom. En certains cas, ce changement se réduit à une addition d’épithète. Encore aujourd’hui, dans l’Inde, on porte le titre de dîkṣita[2]. Mais parfois le nom est complètement changé. Dans l’ancienne Église, c’était le jour de Pâques qu’on baptisait les néophytes après les avoir exorcisés : après ce baptême, on les faisait communier et on leur imposait leur nouveau nom[3]. Dans les pratiques judaïques, encore de nos jours, le même rite est employé quand la vie est en danger[4]. Il est probable qu’il accompagnait autrefois, un sacrifice ; on sait qu’un sacrifice expiatoire, lors de l’agonie, a existé chez les Juifs comme[5], d’ailleurs, dans, d’autres religions sur lesquelles nous sommes suffisamment renseignés[6]. Il est donc naturel de penser que changement de nom et sacrifice expiatoire faisaient partie d’un même complexus rituel, exprimant la

    haoma, voir Darmesteter, Haurvetât et Amretât, p. 54 ; Ormuzd et Ahriman, p. 90.

  1. Voir Lefébure, Mélusine, 1897 ; Brinton, Relig. of Prim. Peoples, p. 89 sqq.
  2. Le pèlerin de la Mecque, l’ancien sacrifiant du ḫagg, prenait et prend encore le titre de hadj. Voir Wellhausen, Reste d. Arab. Heid., p. 80.
  3. Voir Duchesne, Origines du culte chrétien, p. 282, sqq. Voir plus haut, p. 72. Sur la relation entre le sacrifice et les rites de l’initiation et de l’introduction de la nouvelle âme, cf. Frazer, G. B., I, p. 344 sqq. — L’accession à la vie chrétienne a toujours été considéré comme un vrai changement de nature.
  4. Nous savons que, dans bien des cas parallèles, et même dans celui-ci, un autre effet est visé, dépister les mauvais esprits en changeant de nom, dérouter la malchance. Voir Midrasch à l’Ecclésiaste, I, 19, Talm. B. fol. 16 a ; Gemara de Schebouoth, Talm. J., VI, 10, Schwab, IV, p. 79. Cf. Snouck Hurgronje, Mekka, II, p. 122.
  5. Talm. J., traité Guittin, Gem., p. 45 (Schwab).
  6. Voir Calend, Altindische Todten Bestattungsgebraüche, no 2. — De Groot, The Religious System of China, I, p. 5.