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Smith, le pur et l’impur ne sont pas des contraires qui s’excluent ; ce sont deux aspects de la réalité religieuse. Les forces religieuses se caractérisent par leur intensité, leur importance, leur dignité ; par suite, elles sont séparées. Voilà ce qui les constitue ; mais le sens dans lequel elles s’exercent n’est pas nécessairement prédéterminé par leur nature. Elles peuvent s’exercer pour le bien comme pour le mal. Cela dépend des circonstances, des rites employés, etc. On s’explique ainsi comment le même mécanisme sacrificiel peut satisfaire à des besoins religieux dont la différence est extrême. Il porte la même ambiguïté que les forces religieuses elles-mêmes. Il est apte au bien et au mal ; la victime représente aussi bien la mort que la vie, la maladie que la santé, le péché que le mérite, la fausseté que la vérité. Elle est le moyen de concentration du religieux ; elle l’exprime, elle l’incarne, elle le porte. C’est en agissant sur elle qu’on agit sur lui, qu’on le dirige, soit qu’on l’attire et l’absorbe, soit qu’on l’expulse et l’élimine. On s’explique de la même manière que, par des procédés appropriés, ces deux formes de la religiosité puissent se transformer l’une dans l’autre et que des rites qui, dans certains cas, paraissent opposés, soient parfois presque indiscernables.

IV

COMMENT LE SCHÈME VARIE SUIVANT LES FONCTIONS SPÉCIALES DU SACRIFICE

Nous venons de montrer comment notre schème varie pour s’adapter aux différents états religieux dans lesquels se trouve l’être, quel qu’il soit, affecté par le sacrifice. Mais nous ne nous sommes pas encore préoccupés de ce qu’était cet être en lui-même, mais seulement s’il avait ou non un caractère sacré avant la cérémonie. Cependant, il