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bain dans une anse tranquille formée par une eau courante[1]. On plonge dans l’eau tous les restes du sacrifice, toutes tes branches pressurées du soma[2]. Le sacrifiant délie alors la ceinture sacrificielle qu’il avait revêtue lors de la dîkṣâ ; il en fait autant pour le lien qui serrait certaines pièces du costume de la femme, pour le turban, la peau de l’antilope noire, les deux vêtements du sacrifice, et il immerge le tout. Alors lui et sa femme, dans l’eau jusqu’au cou, prennent leur bain, en priant et en se lavant, d’abord le dos, puis les membres, l’un à l’autre[3]. Cela fait, ils sortent du bain et revêtent des vêtements neufs[4]. Tout a donc été passé à l’eau de manière à perdre tout caractère dangereux ou même simplement religieux ; les fautes rituelles qui ont pu être faites sont expiées, ainsi que le crime que l’on a commis en tuant le dieu Soma. Or si le rite est plus complexe que celui dont nous avons parlé tout d’abord, il est de même nature : les faits et la théorie lui assignent la même fonction.

Les textes bibliques sont malheureusement moins complets et moins clairs ; on y trouve pourtant quelques allusions aux mêmes pratiques. Dans la fête du Grand Pardon, le grand-prêtre, après avoir chassé le bouc d’Azazel, rentrait au sanctuaire et retirait son costume sacré, « afin qu’il ne propageât pas la consécration » ; il se lavait, remettait d’autres vêtements, sortait et sacrifiait l’‘olâ[5]. L’homme qui

  1. Ces lieux, les étangs, les tîrthas, qui sont encore aujourd’hui des endroits particulièrement sacrés de l’Inde, sont censés être la propriété favorite de Varuna (Çat. Br., 4, 4, 5, 10).
  2. Âp., III, 20, 10, 11.
  3. Âp., XIII, 22, 2, comm. En même temps, ils répètent diverses formules exprimant : qu’ils expient leurs péchés, leurs fautes rituelles, qu’ils acquièrent force, prospérité et gloire, en s’assimilant ainsi la force magique des eaux, des rites et des plantes.
  4. Ils donnent leurs anciens vêtements aux prêtres ; abandonnant ainsi leur ancienne personnalité ; en en revêtant de neufs, ils font « peau neuve comme un serpent ». « Il n’y a pas plus de péché en eux, maintenant, que dans un enfant sans dents » : Ç. B., 4, 4, 5 23.
  5. Lév. XVI, 22, 23. Il changeait encore une fois de vêtement à l’issue du jeûne et rentrait chez lui en recevant les félicitations de ses amis