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êtres du monde profane. La série d’états par lesquels elle passe pourrait donc être figurée par une courbe : elle s’élève à un degré maximum de religiosité, où elle ne reste qu’un instant, et d’où elle redescend ensuite progressivement. Nous verrons que le sacrifiant passe par des phases homologues[1].

La sortie.

Les effets utiles du sacrifice sont produits ; cependant, tout n’est pas terminé. Le groupe de gens et de choses qui s’est formé pour la circonstance autour de la victime n’a plus de raison d’être ; encore faut-il qu’il se dissolve lentement et sans heurts et, comme ce sont des rites qui l’ont

  1. On a pu s’étonner que, dans ce schème, nous n’ayons pas fait allusion aux cas où la victime est autre chose qu’un animal. Nous en avions relativement le droit. Nous avons vu, en effet, comment les rituels ont proclamé l’équivalence des deux sortes de choses (voir plus haut, p. 13). Par exemple, dans tout l’ensemble des sacrifices agraires, leur identité foncière rend possible la substitution des unes aux autres (voy. p. 91). Mais il y a plus, il est possible d’établir des symétries réelles entre les victimes et les oblations sacrificielles. — La préparation des gâteaux, la façon dont on les oignait d’huile, ou de beurre, etc., correspond à la préparation de la victime. Même la création de la chose sacrée, au cours de la cérémonie est bien plus évidente, dans le cas de l’oblation, que dans tout autre, puisqu’on la confectionne souvent de toutes pièces, sur le terrain même du sacrifice : Pour l’Inde, voir Hillebrandt, N. V. O., p. 28, 41, surtout au cas où ce sont des figurines (Hillebrandt, Rit. Lit., § 64, p. 116 ; § 48. Cf. Weber, Nakṣatra, I, 338, renseignements assez fragmentaires : (Çâṅkh. gṛh. sû., IV, 19). Pour la Grèce, voir plus haut, p. 14. Stengel, p. 90 sqq. ; Festus, 129 ; cf. Frazer, Golden Bough, II, p. 84, p. 139 sqq. ; Lobeck, Aglaophamus, p. 141, 1080 sqq. — Ensuite la destruction a le même caractère de consécration définitive que le mise à mort, d’une victime animale. On met toujours au moins l’esprit de l’oblation hors du monde réel. Seule, une différence existe, venant de la nature même des choses : dans la majorité des cas le moment de l’attribution et celui de la consécration coïncident, sans que la victime porte pour autant le caractère d’une chose à éliminer. En effet, la libation est détruite au moment où elle découle sur autel, se perd dans la terre, s’évapore ou brûle dans le feu ; le gâteau, la poignée de farine se consument et partent en fumée. La sacrification et l’attribution à la divinité ne font qu’un seul et même temps rituel. Mais il n’y a aucun doute sur la nature de la destruction : c’est ainsi que le simple dépôt de bois à brûler est, dans le rituel hindou, à certains moments, un sacrifice par lui-même (nous faisons allusion aux sâmidhenî, voir Hillebr., N. V. O., p. 74 sqq.). — Enfin la répartition des parts est mutatis mutandis, ana-