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Après avoir distingué dans les divers rituels qui viennent d’être comparés les rites d’attribution aux dieux et les rites d’utilisation par les hommes, il importe de remarquer leur analogie. Les uns et les autres sont faits des mêmes pratiques, impliquent les mêmes manœuvres. Nous avons retrouvé des deux côtés l’aspersion du sang ; l’application de la peau, ici sur l’autel ou sur l’idole, là sur le sacrifiant ou les objets du sacrifice ; la communion alimentaire, fictive ou mythique pour ce qui regarde les dieux, réelle pour ce qui concerne les hommes. Au fond même, ces différentes opérations sont toutes substantiellement identiques. Il s’agit de mettre en contact la victime une fois immolée soit avec le monde sacré, soit avec les personnes ou les choses qui doivent profiter du sacrifice. L’aspersion, l’attouchement, l’application de la dépouille ne sont évidemment que des manières différentes d’établir un contact que la communion alimentaire porte à son plus haut degré d’intimité ; car elle produit non pas un simple rapprochement extérieur, mais un mélange des deux substances qui s’absorbent l’une dans l’autre au point de devenir indiscernables. Et si ces deux rites sont à ce point semblables, c’est que l’objet poursuivi de part et d’autre n’est lui-même pas sans analogie. Dans les deux cas, il s’agit de faire communiquer la force religieuse que les consécrations successives ont accumulée dans l’objet sacrifié, d’un côté avec le domaine du religieux, de l’autre avec le domaine profane auquel appartient le sacrifiant. Les deux systèmes de rites contribuent, chacun dans leur sens, à établir cette continuité qui nous paraît, après cette analyse, être l’un des caractères les plus remarquables du sacrifice. La victime

    quer l’emploi du locatif) — Voir T. S., 2, 6, 7, 3 ; Ait. Br., 2, 30, 1 ; 6, 10, 11 ; Çat. Br., 1, 8, 1, 12, etc. — L’Iḍâ fait partie du rituel en tous les sacrifices solennels hindous. — Ajoutons que le reste de la victime est, dans une certaine mesure, profané : les brahmanes et le sacrifiant peuvent les emporter chez eux (Schwab, p. 149). Nous ne connaissons pas de règle prescrivant des délais pour la consommation des restes des victimes. Mais il en existe pour la consommation de toutes les nourritures en général.