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ainsi consacrées au dieu qui personnifiait la consécration lui parvenaient en fumée d’odeur agréable[1]. Lorsque le dieu intervenait dans le sacrifice il était censé manger réellement et substantiellement la chair sacrifiée ; c’était « sa viande[2] ». Les poèmes homériques nous montrent les dieux s’asseyant aux banquets sacrificiels[3]. La chair cuite[4], réservée au dieu, lui était présentée et était placée devant lui. Il devait la consumer. Dans la Bible, plusieurs fois, le feu divin jaillit et fait disparaître les chairs dont l’autel est chargé[5].

Sur la chair qui restait après ces destructions préliminaires, d’autres prélèvements, étaient faits. Le prêtre prenait sa part[6]. Or la part du prêtre était encore une part divine. Les rédacteurs du Pentateuque ont été préoccupés de savoir si la victime du ḫaṭṭât devait être brûlée ou mangée par les prêtres. Moïse et les fils d’Aharon furent, selon le Lévitique[7], en désaccord sur ce point. Les deux rites avaient donc visiblement le même sens[8]. De même, dans les sacrifices expiatoires romains, les prêtres man-

    IV, 8 sqq., 19, 34 ; IX, 10. — En Grèce : Stengel, op. cit., p. 101 ; Paton, Cos, 38 ; Hésych., ἔνδρατα ; Hérod., IV, 62.

  1. Lév. I, 9, 13, 17 ; II, 2, 9, etc. ; Ps. LXVI, 15. Cf. És. I, 13. — Cf. Clermont-Ganneau, Inscript. de Kanatha, C. R. de l’Ac. des Inscr., 1898, p. 599. — Il., Α, 301 ; Θ, 549 sqq.
  2. Lév. XXI, 8, 17, 21. Ézéch. XLIV, 7. Hérod., IV, 61. À propos des Hirpi Sorani, et de la façon dont les loups enlevaient la viande des sacrifices, voir Mannhardt, W. F. K., II, p. 332.
  3. Od., Γ, 51 sqq. ; Η, 201 sqq.
  4. Dans le rituel hébraïque la victime était bouillie ou bien brûlée. — Pour les victimes bouillies, voir I Sam. I, 13 ; Hérod., IV, 61.
  5. Voir plus haut, p. 35.
  6. Ex. XXIX, 32 sqq. ; Lév. VII, 8, 14 ; I Sam. II, 13 sqq. ; Ézéch. XLIV, 29 sqq.C. I. S., 165 passim, 167.
  7. Lév. X, 16 sqq. Cf. IV, 44 ; VI, 18, sqq.
  8. Le différend fut tranché par une distinction : la victime devait être brûlée « hors du camp », lorsque le sang avait été apporté dans le sanctuaire, c’est-à-dire lors du sacrifice du Grand Pardon. Dans les autres cas, la chair appartenait aux prêtres. Lév. VI, 23 : X, 18. Cf. IV, 21 ; VIII, 17 ; IV, 11.