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de papier dos à dos, si l’on voulait avoir de l’impression au recto et au verso.

C’est ainsi que parurent un certain nombre de plaquettes, dont les plus connues sont : le Miroir de notre salut, la Bible des pauvres et l’Art de bien mourir.

Le plus curieux de ces premiers monuments de l’imprimerie est le Miroir de notre salut (Speculum humanæ salvationis), non seulement parce qu’il est l’œuvre de Laurent Coster (1430), mais encore parce qu’il offre des traces indéniables de l’art typographique.

Ce qui justifie les revendications des Hollandais, qui contestent le mérite de l’invention à Gutenberg, au bénéfice de Laurent Coster, auquel ils ont élevé une statue à Haarlem, sa ville natale.

Il est certain que Coster se servait des caractères mobiles et la preuve c’est qu’à la cinquième feuille de son livre, il y a une faute d’impression, un n à l’envers ; on lit begiut au lieu de bégint ; et qu’à la page 40, il y a toute une phrase retournée : Genesis ix capittel pour Genesis ix capittel.

Tout le procès est là ; si le Miroir du salut avait été gravé sur bois par pages entières, il n’y aurait pas de lettres renversées. Les éléments de grammaire latine, connus sous le nom de Donats du nom de l’auteur Ælius Donatus, que Coster imprima ensuite, ne présentaient point de ces fautes (on n’en retrouve d’ailleurs que des feuilles détachées) ; mais cela peut tout aussi bien prouver plus d’attention chez l’imprimeur typographe que l’emploi de planches xylographiques.

S’ensuit-il de là que Gutenberg n’ait rien fait, et qu’il ait tout simplement, ainsi que l’ont prétendu ses détracteurs, utilisé les secrets de l’imprimeur hollandais, à lui révélés par un ouvrier infidèle. Non, et n’eût-il inventé que la presse, qui permit enfin les grands tirages, que son nom mériterait encore d’être accolé à la fameuse devise :

« Et la lumière fut. »

Mais il a fait mieux que cela, au lieu de tailler ses caractères dans l’écorce de hêtre, à l’imitation de Coster, il les grava en creux dans le bois, pour en faire des moules dans lesquels il coula du plomb.

Ce n’était peut-être pas une nouveauté absolue, car il est peu probable que Coster n’ait pas trouvé le moyen de fondre rudimentairement ses caractères ; autrement, la gravure isolée de ses lettres mobiles lui eût coûté beaucoup plus de