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LABRADOR ET ANTICOSTI

qu’aujourd’hui il manque au musée une foule d’articles très intéressants : costumes des sauvages, et instruments en pierre ou en os, tels que haches, couteaux, dards, flèches, pipes, amulettes, jeux divers, etc. Eh bien, y a-t-il rien qui provoque autant l’indignation qu’un vol aussi effronté ! Sans doute, si le P. Arnaud allait faire le tour des États-Unis, il reconnaîtrait dans quelque grand musée, qui les aura acquis sans se douter de leur provenance, nombre de ses trésors qu’il a eu tant de peine à collectionner. Voilà un système d’« annexion » que l’on peut trouver habile, mais qui est d’une malhonnêteté révoltante.

* * *

D’ordinaire, on ne termine pas le compte rendu d’une visite à un musée, sans dire un mot du conservateur qui s’est donné la peine de vous en faire voir toutes les richesses. Je manquerai d’autant moins à ce devoir, que l’officier dont il s’agit n’est pas le personnage le moins remarquable de Betsiamis.

Le conservateur du musée de Betsiamis, c’est un Français, voire un Parisien, fils d’un capitaine de l’armée française. Grosjean est son nom. C’est celui dont j’ai dit précédemment qu’il étudia jadis la taxidermie avec tant de succès, sous la direction de Lechevalier, le célèbre naturaliste voyageur qui, après son séjour à Betsiamis, résida à Montréal, puis dans le sud des États-Unis, et se trouve maintenant au Pérou, sinon ailleurs.

Grosjean, lui, fils de soldat, n’aurait pu, sans manquer à son sang, passer sa vie parmi les vulgaires pékins. Il embrassa donc l’art militaire et se trouva un jour à faire partie de l’armée d’Afrique. Puis les hasards de l’existence l’amenèrent en Amérique. Cela, ce n’était pas hier, puisque, à ce moment, nos aimables voisins des États-Unis étaient en pleine guerre civile, la discorde animant les gens du Nord contre les gens du Sud. Je ne sais si notre Français étudia bien longtemps pour décider, à la lumière des grands principes, quel parti avait le bon droit de son côté. En tout cas, il prit du service dans les troupes du