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BETSIAMIS

l’année, qui varient suivant les diverses espèces d’animaux. Voilà donc de nouvelles entraves à la profession de ces braves gens.

On imagine bien que, puisque les sauvages n’ont pas d’autres moyens de subsistance que la chasse, les magistrats ne condamneront pas à mort celui qui aura tué un caribou ou un castor pour empêcher sa famille de mourir de faim. Au reste, la loi autorise le commissaire des Terres de la Couronne à donner aux sauvages des permis de chasse, pourvu que leur subsistance soit le seul objet de cette chasse. Mais, d’autre part, le sauvage ne pourrait utiliser les pelleteries que ses attrapes ou son fusil lui auraient procurées en temps prohibé. La Compagnie de la baie d’Hudson, l’« honorable Compagnie », comme disaient certains missionnaires, a bien soin de ne pas accepter de ces peaux, soit parce qu’elle courrait risque de les voir confisquées, comme il est arrivé déjà, soit pour conserver les bonnes grâces du gouvernement. Ainsi donc, nos sauvages ne peuvent, durant plusieurs mois de l’année, utiliser qu’une partie de leur chasse. Ils en tirent profit pour leur subsistance ; mais ils perdent le prix de vente d’une certaine quantité de leur pelleterie, qui leur serait si nécessaire pour se procurer poudre, plomb, pièges, farine, vêtements, etc. Quand on a des revenus considérables chaque année, on supporte très bien leur diminution, parce qu’il en reste toujours assez pour vivre convenablement. Mais, ces pauvres Montagnais n’arriveraient qu’au strict nécessaire, quand même aucune législation ne viendrait diminuer encore leurs faibles ressources !

Mais ce n’est pas tout.

Pour nos sauvages, le castor est comme le pain quotidien. Ce gibier leur est infiniment précieux, soit pour l’alimentation, soit à cause du prix élevé de sa fourrure. Aussi, dit le P. Arnaud, « ils ménagent cet animal ; ils le considèrent comme un présent que le Grand Esprit leur a donné. Ils respectent les cabanes de castor, et ne les détruisent jamais entièrement, quoiqu’ils souffrent parfois de la faim ».