Page:Huard - Labrador et Anticosti, 1897.djvu/51

Cette page a été validée par deux contributeurs.
35
BETSIAMIS

ou professionnelles, voire par la politique, voire même par leurs parties de plaisir, sont obligés de se faire remplacer par les instituteurs des diverses catégories, pour accomplir leurs obligations concernant l’instruction de leurs enfants. Les sauvages, eux, trouvent facilement les heures nécessaires pour remplir à cet égard leurs devoirs d’état. Il y a des loisirs dans la forêt. On y prend le temps de vivre ! Quand on a tiré quelques coups de fusil, visité les pièges à renards, dérobé trois ou quatre truites à la rivière voisine, et préparé le frugal repas, il reste encore bien des moments libres. Il n’y a pas de visites à faire, ni à recevoir, et les soins du ménage sont vite expédiés. C’est alors qu’on allume le flambeau de la science sous la tente de toile : sous l’œil attentif du père ou de la mère, les petits s’exercent, l’un à joindre les lettres aux lettres, et les mots aux mots, dans l’alphabet que l’on a reçu de la « robe noire », l’autre à tracer des chiffres et des caractères d’écriture sur un beau morceau d’écorce de bouleau. Les prières, le catéchisme s’apprennent aussi à la longue ; et le Père sera surpris, l’été suivant, de voir que le petit Paul et la petite Marguerite sont déjà joliment préparés pour leur première communion.

Il n’est pas besoin de dire que, sous la direction des Pères, on fait aussi l’école aux enfants, sur la réserve de Betsiamis. On y perfectionne l’enseignement reçu dans les familles ; on y prépare, sans s’en apercevoir, les instituteurs privés qui continueront dans la tribu ces traditions de l’enseignement familial. C’est là, en un mot, que se trouvent le collège et l’université pour la jeunesse montagnaise.

Il faut savoir aussi que ce n’est pas le français, ni l’anglais, ni l’allemand, ni l’hébreu que l’on enseigne aux petits sauvages. C’est en montagnais qu’ils apprennent à lire et à écrire, et cela suffit parfaitement à les mettre en état de « struggleforlifer » à leur aise dans leur carrière de chasseur. Il s’ensuit qu’un petit nombre seulement de Montagnais connaissent un peu le français ou l’anglais, par suite de leurs rapports avec les Canadiens français ou anglais. Cela, il est vrai, les prive de l’avantage de