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TOPOGRAPHIE DU LABRADOR ORIENTAL

jettera la pierre parce qu’ils ne poussent pas l’héroïsme jusqu’à pommer comme les choux nés sous des cieux plus cléments ? Ce n’est toujours pas la population de ces parages, qui recueille précieusement leurs feuilles droites et raides, et les sale dans des barils, d’où on les extrait en temps utile pour les faire bouillir avec du lard ou du caribou. Là se termine, il est vrai, l’existence civile de ces précieux végétaux. En effet, au sortir de la chaudière, ce sont des greens dont on se régale sans qu’il soit plus question de choux. Il y a, comme on sait, d’autres exemples d’aliments empruntés du règne végétal ou au règne animal, et dont le nom subit des changements en passant par des états divers.

Au bord de cette belle plaine, où les choux étendent leurs feuilles vers tous les points du zénith et de l’horizon, il y a l’établissement de pêche du Capt. Blais, navigateur dont pour la seconde fois je promets de parler plus loin. Pour le moment, il s’agit de l’établissement de pêche qui lui appartient, ou plutôt de l’ancien propriétaire de cet établissement, le Capt. Jones, dont le nom est resté fameux dans le bas Labrador. Ce Capt. Jones faisait donc affaire, là-bas, sur une vaste échelle, ayant à son service un grand nombre d’hommes pour la pêche à la morue, au hareng, au maquereau, au loup marin. Il possédait même des chevaux, chose qui ne s’était jamais vue jusque-là et qui ne se verra peut-être plus jamais dans cette région. La maison qu’il habitait avec sa nombreuse famille, était meublée et décorée avec une magnificence presque royale ; on en jugera par ce détail : les escaliers qui allaient d’un étage à l’autre étaient en bois d’acajou, avec ornementation d’argent ! Les vieux de l’endroit en ont encore des éblouissements ! Le Capt. Jones mourut à Saint-Thomas de Montmagny, il y a plus de trente ans. Son bel établissement, dont héritèrent ses enfants, fut totalement détruit par un incendie. Et de toute cette ancienne splendeur, dont il sera encore longtemps parlé dans les foyers du Labrador, il ne reste plus le moindre vestige. Cela démontre que, sous n’importe quelle latitude, les splendeurs d’ici-bas sont également