il nous fut facile de nous décider à faire le sacrifice du reste de la soirée. Toutefois, d’après les explications que nous donna M. Duberger, les sauvages sont plus en mesure que nous de s’intéresser à des exercices de ce genre. Il paraît, en effet, que ces danses revêtent à leurs yeux un caractère symbolique tout particulier. Les danseurs sont-ils nombreux, mettent-ils beaucoup d’entrain dans leurs évolutions, cela voudra dire, par exemple, que la chasse a été bonne, que l’expédition a été fructueuse. Le petit nombre des danseurs, leur démarche ralentie et languissante, signifient tout le contraire. Tant il est vrai qu’il faut savoir entendre les choses !
Quoi qu’il en soit, avant de quitter le « bal », Monseigneur fit approcher les danseurs, et leur distribua de jolies images en souvenir de la circonstance. « Voilà qui est étrange ! me dirent quelques blancs qui se trouvaient là. Quand nous nous livrons à la danse, dans les paroisses, M. le curé a tout autre chose que des images à nous offrir pour nous récompenser. La religion n’est donc pas la même partout ! » Il faut dire que ces propos n’étaient qu’affaire de badinage, car nos bons Canadiens savent parfaitement que si, dans leurs réunions, on se contentait de danser à la mode montagnaise, c’est-à-dire de tourner, l’un devant l’autre et en frappant du pied, autour du poêle, ni les auteurs de théologie, ni M. le curé n’auraient rien de désagréable à leur dire. Mais, voilà ! danser de la sorte, ce serait pour eux se livrer à un inexprimable ennui ! Et ce n’est pas l’ennui que l’on recherche en telles circonstances !
Il est probable que les invités des célèbres noces de Cana n’ont pas été beaucoup plus charmés de la présence de Notre-Seigneur au milieu d’eux, que ces braves gens de Montagnais n’ont été flattés de voir le Grand Chef de la prière assister à leur fête. Il en sera sans doute longtemps parlé, sinon sous le chaume, du moins sous la toile dans les grands bois.
La célébration du mariage est un grand événement dans la