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LABRADOR ET ANTICOSTI

petit royaume, où l’on organise tout à sa guise, et d’y avoir l’un des plus beaux parcs de chasse et de pêche qu’il y ait au monde. Résider à Paris la plus grande partie de l’année, d’où l’on dirige de vastes entreprises industrielles, et, durant l’été, s’en venir, à bord de son beau Velléda, passer deux ou trois mois à chasser et à pêcher sur son Anticosti : ce sont là plaisirs de roi ; et peu de mortels sont à portée de s’assurer de telles satisfactions. De ce chef, il n’y a donc qu’à féliciter M. Menier de la façon intelligente et originale dont il sait jouir de sa fortune.

Mais il y a aussi la question de profit, et il sera facile à l’acquéreur de l’Anticosti, s’il veut seulement s’en donner la peine, non seulement de faire produire un bel intérêt au capital peu considérable qu’il a consacré à l’achat de cette île, mais encore de retrouver le capital lui-même dans les profits qu’il en tirera.

Il n’y a rien, pour bénéficier de la situation la plus avantageuse par elle-même, comme d’avoir les ressources nécessaires pour la mettre en valeur. Il ne suffit pas de posséder le plus beau domaine du monde : pour en tirer des trésors, il faut y mettre des trésors. On ne récolte pas, si l’on n’a d’abord semé. Cette question des dépenses nécessaires pour faire une affaire de l’Anticosti n’embarrasse pas M. Menier, comme on l’a vu déjà depuis qu’il est devenu le propriétaire de cette île. Rien donc ne s’oppose, à ce point de vue, à ce qu’il organise là une exploitation d’excellent rapport.

Il semble que l’industrie sera la principale richesse de l’Anticosti. Et d’abord, la grande pêche (hareng et morue)[1] est une ressource inépuisable, sur l’immense circuit des côtes de l’île. La culture des huîtres, la préparation du homard, et surtout

  1. Autrefois, on ne pensait pas à pêcher la morue sur la côte nord de l’Anticosti. Les bateaux de pêche ne dépassaient pas Fox Bay, en venant de l’est, ni la baie des Anglais, en venant de l’ouest. Un M. Vigneau, Acadien de la Pointe-aux-Esquimaux (père de l’annaliste de l’île aux Perroquets, dont il sera question plus loin), vint le premier faire la pêche à la morue au cap à l’Ours. C’était en 1863. La nouvelle qu’il y avait du poisson de ce côté se répandit promptement ; et, dès l’année suivante, des pêcheurs de Gaspé et de Saint-Thomas de Montmagny y exerçaient leur industrie. On a continué jusqu’à ces dernières années de venir y chercher fortune.