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ÎLE D’ANTICOSTI

étages, y compris celui de la lanterne. L’appareil lumineux (construit par la maison Sauter, de Paris) se compose de plaques de verre très limpide, de forme prismatique, retenues dans des cadres en cuivre, et qui donnent une grande puissance aux rayons qui les traversent. La lumière n’est fournie que par cinq lampes au pétrole, et pourtant on l’aperçoit en mer jusqu’à la distance de trente milles ; on la voit de Sheldrake et de Magpie sur la Côte Nord : tout cela quand le temps est clair, naturellement. En plein jour, la vue de la tour blanche, rayée de rouge, suffit pour faire reconnaître l’endroit aux navigateurs. Lorsqu’il y a de la brume, on tire du canon toutes les vingt minutes ou l’on fait partir des cartouches à la dynamite.

Ce phare existe depuis 1855, et l’on peut croire que ses feux ont sauvé bien des vies humaines durant ces quarante années.

M. Malouin est chargé de l’entretien du phare depuis 1877. Au pied de la tour est la maison où il réside, vaste et confortable demeure en briques blanches, dont l’ameublement ferait bonne figure dans l’un des quartiers les plus fashionables de nos villes. Et tout autour, plusieurs constructions de différents genres, remises, hangars, boutique, etc. ; jardins et prairies. Mais voyez comme tout cela est propre, et tenu dans un ordre merveilleux ! Il n’en faut pas davantage, sans doute, pour juger le maître de céans aussi favorablement qu’il le mérite.

M. Malouin me dit que, vers 1875, le prof. Macoun, de la Commission géologique du Canada, a fait le tour de l’île d’Anticosti ; lorsque le savant naturaliste passa à la Pointe-Ouest, le gardien du phare lui fit don d’une petite tortue de cinq pouces de longueur, trouvée vivante sur le rivage. Voilà toujours un détail intéressant pour l’histoire naturelle de l’île !

Mercredi, 10 juillet. — Ce jour-là il faisait un vent d’ouest d’une telle violence qu’il aurait été bien imprudent de s’éloigner de l’île dans une petite embarcation. Dès le départ, les vagues en furie auraient vite fait, en soulevant le vaisseau et en le laissant aussitôt s’abattre sur les récifs, de le réduire en miettes : il n’en