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Boulmiche revint sur la terre et résolut de se rendre au palais de Papillon.

Sur sa route, elle fut étonnée de ne rencontrer que tristes figures. Partout, des gens déguenillés, la misère écrite sur tous les visages.

« Qu’est-ce à dire ? » pensa Boulmiche. Et elle s’adressa à un homme qui marchait dans un ruisseau, de peur d’écorcher ses pieds nus aux pierres du chemin.

« Pourquoi avez-vous tous si piteuse mine ? Le roi n’est-il plus généreux ? » « Le roi est un hurluberlu. Il n’a plus un sou devant lui. Il a gaspillé ses trésors. C’est la ruine ! »

« Holà ! répondit Boulmiche ; ceci change les choses. » Et elle se sentit très inquiète.

Elle atteignit un carrefour : des gens à moitié nus s’y chauffaient autour d’un mauvais feu.

Ils se jetèrent sur la vieille fée comme une troupe de corbeaux, pour lui arracher ses vêtements et sa couronne. Boulmiche les éloigna d’un coup de sa baguette magique, et poursuivit sa route.

L’émotion avait été forte pour elle ; aussi fut-elle heureuse, de rencontrer un verger. Elle se coucha dans l’herbe, sous un arbre.

Pan ! un grand choc. Une pomme rebondit sur son nez. « Elle sera tombée, étant trop mûre ! » pense Boulmiche. Mais bientôt, il lui en tombe de tous côtés.

Boulmiche est bombardée. Elle entend de grands éclats de rire, lève la tête et aperçoit des gamins assis à califourchon sur les branches. Chaque arbre en porte toute une grappe, et on les entend croquer des pommes mûres.

Elle s’enfuit et rencontre une femme indignée : « Voyez mon verger ! s’écrie-t-elle. Depuis qu’ils sont lâchés, ces méchants écoliers passent leur temps à taquiner, dépouiller le pauvre monde. »

Boulmiche soupira, et tout en soupirant elle arriva au sommet d’une haute montagne.

Elle remarqua à l’horizon une ligne scintillante qui semblait faire une ceinture au ciel. Les fées ont de bons yeux. Boulmiche se rendit compte que c’était une armée qui s’avançait à travers la campagne. Elle frissonna.

Le soir, elle parvint aux portes du château. Il était sombre et silencieux.

Boulmiche traversa quelques salles vides. Elle entra dans un des grands salons : une lampe y projetait un cercle de lumière et dans ce cercle de lumière était assis Papillon. Il regardait piteusement par la fenêtre ouverte. Son sceptre était rouillé ; ses vêtements pendaient en lambeaux.