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et charmant. Il voulait du bien à tout le monde, et trouvait aimables tous ceux qui l’approchaient. Il était joyeux, et la pluie seule pouvait le rendre mélancolique. Il refusait alors de mettre le nez dehors, craignant par-dessus tout d’être mouillé. Mais, heureusement, il pleuvait rarement dans la Ruthie ensoleillée, et l’été durait presque toute l’année.

Il fallut longtemps à Papillon pour visiter ses domaines. Il avait un château massif, des prairies verdoyantes, des forêts, des serres, des ruisseaux.

Le château déplut au roi ; il trouva moroses les meubles de chêne : « Pourquoi conserver ces vieilleries ? »

— « Le roi y tenait beaucoup : ces meubles lui venaient de ses ancêtres. »

« Pouah ! s’esclaffa Papillon. Les ancêtres sont des mannequins qui sentent le moisi. Faites badigeonner tout cela de laque blanche. Disposez des palmiers auprès des fenêtres ; tendez ces murs sombres de clair satin. »

Papillon se pencha sur un tapis de Perse, puis se redressant tout à coup : « Non, mes amis. Vous couvrirez ces murs de tapisseries où seront représentées quantité de scènes plaisantes. » Papillon franchit le seuil, et, jetant un dernier regard sur l’austérité des chaises vermoulues : « Alors, c’est entendu. Vous cacherez ces murs sous de la mousseline blanche, à pois multicolores. »

« Notre roi a la tête faible » pensèrent en souriant ceux qui l’accompagnaient : « Il est capricieux et adorable, vive notre roi ! »

Papillon visita ses jardins. Il avait une passion pour les fleurs. Il pleura de joie en voyant le galbe pur des lis apparaître dans la verdure ; il fit une cabriole en aspirant le parfum des seringas, et sauta au cou du jardinier qui lui offrait une branche d’aubépine,

Papillon fit déboiser la Ruthie. On faucha les champs d’orge et de maïs. On planta partout des roses et des marguerites blanches ; on laissa grandir bleuets et coquelicots dans les folles graminées. Les fleurs couvraient le pays d’un manteau frêle.

Les caprices poussaient à Papillon comme des champignons dans les prairies. Il eut un jour le désir d’apprendre à danser. « Je me sens » disait-il, « un grand besoin de détendre mes jambes et de voir les objets dans un autre