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partisan de notre ancien roi. Ils sont six ainsi, à la Cour, qui lui sont restés fidèles. Ils ne veulent qu’activité et travail dans le monde. »

— « Nous leur ferons entendre raison. »

On avait décoré la salle de tentures et de guirlandes. Papillon avait endossé un manteau de pourpre qui s’étalait majestueusement autour de lui.

— Tous les sujets étaient réunis. Par les fenêtres ouvertes on voyait à perte de vue se dérouler les fertiles campagnes de Ruthie. L’ombre des oiseaux palpitait sur les murs. Un rayon de soleil s’avançait fastueusement jusqu’au pied du trône, comme un hommage au nouveau roi. Il remonta petit à petit des pieds à la tête du roi, pendant la cérémonie.

Un homme grave vint poser sur la tête de Papillon une haute couronne garnie de pendeloques. Le Roi se leva, coiffé ainsi. On l’acclama.

« Peuple, » dit-il, « j’ai beaucoup appris depuis hier. Il y a dans le royaume des usines et des bureaux où de pauvres gens sont ployés tout le jour sous la tâche, des écoles où de malheureux enfants sont tenus d’apprendre des sornettes. De strictes lois régissent les moindres rapports des hommes entre eux ; cependant, leur seule utilité est de permettre aux avocats de pérorer, et l’armée que vous entretenez n’a jamais servi qu’à faire prospérer les marchands de ferblanterie. — Ce déplorable état de choses est supprimé. Je l’ordonne. La vie est brève. (Le Roi prononça ces mots avec une grande conviction.) Le travail la mine. Voici la seule loi que je dicterai jamais : Écrivez, gens de bien : « Quiconque sera trouvé en train de travailler sera épinglé au mur sans jugement. » Les courtisans furent peut-être surpris de ce genre de condamnation nouvelle, mais leur joie était trop grande pour s’y arrêter. « Vive notre Roi ! » s’écrièrent-ils.

Les six anciens, suffoqués, s’échappèrent par une porte dérobée ; ils levaient les yeux au ciel ; on ne prit garde à eux.

Suivons les vieux mécontents : ils s’assemblent dans un couloir sombre, et gesticulent. Leurs barbes s’agitent, tant ils parlent précipitamment.

L’un d’eux, chez qui l’abattement surpasse la peur des coliques, s’est assis sur un escalier de pierre. Il hoche la tête en gémissant : « Que faire ? »

« Attendre et patienter. Rien ne sert de nous révolter, maintenant. »

« Jurons ici de ne pas abandonner l’intérêt de la Ruthie ; notre patrie aura besoin de nous. »

Dans l’étroit couloir, leurs bras osseux se cognèrent en se levant, et leurs voix tremblantes prononcèrent un solennel serment, tandis que les sons de lointaines musiques se faufilaient jusqu’à eux comme un défi : Flûtes et tambourins s’unissaient pour célébrer les louanges du nouveau roi.