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qui souriait avec insouciance. — Le pauvre papillon s’enfuit quand il comprit qu’on lui voulait du mal. Il était agile, et la fée le perdit bientôt de vue.

Boulmiche se laissa tomber, essoufflée, sur un buisson d’épines, et pleura à chaudes larmes.

Papillon gambada jusqu’à la lisière d’un petit bois. Un char magnifique y stationnait. Il y monta. Les chevaux fougueux partirent au galop. Au bout de trois jours et trois nuits, ils déposèrent Papillon devant l’entrée monumentale d’un château. Tout un peuple était là réuni. Papillon éclata de rire en voyant l’étonnement qu’il produisait.

On s’empresse autour de lui : on murmure que sa figure est aimable, spirituelle, qu’il respire un air de bonté, que ses cheveux sont fins, ses mains délicates et ses pieds petits. Enfin s’élève un cri général : « Il sera notre roi ! »

On étale un riche tapis sur le sol. On fait descendre Papillon de son char. On lui demande : « Veux-tu gouverner le pays de Ruthie ? Il est si beau qu’on n’y voit que châteaux et profondes forêts ; si grand qu’il est le plus grand de la terre. »

« Oui, » répond Papillon, avec un parfait naturel, comme si on lui proposait une simple promenade. Et il pénètre dans les salles de marbre et d’or du palais. Des courtisans lui expliquent que leur roi vient de mourir après un long règne ; ils en ont assez d’être commandés par une ganache. Ils aiment la joie, le rire et la jeunesse. Tout se trouve bien. Le ciel est bleu, grande condition de bonne humeur pour un papillon, aussi le nouveau monarque fredonne-t-il d’alertes chansons, tout en commandant des friandises pour le repas.

Le lendemain eut lieu la cérémonie du couronnement. Papillon se tint fort mal pendant le discours de son Excellence le Premier Ministre. Heureusement, on prit son agitation pour de l’enthousiasme. Le discours fut long et fleuri : on y parlait d’ordre et de sage gouvernement. Papillon se pencha vers son voisin : « Pourquoi sont-ils si ennuyeux ? » demanda-t-il. « Je veux parler de l’homme et du discours. A-t-on idée de s’évertuer pendant si longtemps à dire d’aussi lourdes choses ? »

« Chut ! Sire, » lui fut-il répondu. « Vous voyez en votre ministre un