Page:Hovine - Conte sous-marin, Annette et Doric, Fanfreluche, Papillon, 1918.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Marie trouva que l’étable sentait bon ; elle admira les yeux doux et confiants de ses vaches. Elle se sentait si à l’aise dans sa petite robe de laine qu’elle commençait à la préférer aux riches étoffes du Royaume des Fées.

Marie se fit montrer comment, d’un peloton de laine, on pouvait faire sortir un bas. Marie caressa l’échine soyeuse de Roussette, Noirette et Blanchette, en les priant gentiment de ne plus désobéir, comme la veille.

Marie travailla en chantant, et jamais elle ne fut aussi gaie ; jamais le temps ne lui parut aussi court.

Mais… Fanfreluche reprit le dessus dans l’après-midi. Tout semblait s’être donné le mot contre elle : le ciel s’était voilé de gros nuages, la laine avait roulé dans le ruisseau, les vaches se sentaient de tyranniques envies de goûter l’herbe plus drue du voisin.

Fanfreluche abandonna tout et s’enfuit chez le paysan raconter son infortune.

« Allons, tu ne sais pas ce que c’est que travailler, lui dit la femme en souriant : il faut avoir de la patience. »

Le jour suivant, Fanfreluche tâcha d’avoir de la patience, et le ciel eut beau être menaçant, les vaches indociles, la laine eut beau rouler dans le ruisseau, Marie travailla sans se lasser.

La soupe qu’on lui servit lui parut un nectar. Elle avait faim, et c’était un plaisir, en rentrant du dehors, de humer les bonnes odeurs de la cuisine.

« Tiens, se dit-elle en se couchant, voilà le premier jour de ma vie où je ne me suis pas ennuyée. »

Elle bâilla. « Je ne savais pas qu’on pût bâiller seulement de fatigue. » Elle rêva toute la nuit qu’elle avait cent vaches à garder, cent bas à tricoter, et qu’elle en venait à bout, à force de persévérance. Et tout le monde l’admirait ; sa maman la pressait sur son cœur.

Marie se dit : « Puisque je sais travailler, si j’essayais de regagner le Royaume des Fées ? Il est dans le ciel, là-bas ! Je me ferais deux ailes… oui, deux ailes, c’est une bonne idée… »

Aussitôt, Fanfreluche ajouta : « Je demanderai plutôt à un oiseau complaisant de me prêter les siennes pour une journée. »

Elle entendit un petit cri tout près d’elle, au milieu des herbes. Une alouette s’élança, les ailes brillantes de rosée.

— « Jolie alouette, tes ailes, je t’en prie !… Madame l’Alouette, arrêtez- 47