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Un peu de sable que le vent soulevait en poudroiement d’or fin lui faisait comme une auréole.

« Fée Yveline, s’écria Doric, je veux que ses cheveux soient pareils à ce sable blond. »

Doric traversa des landes incultes aux teintes mélancoliques. « Qu’il fait sombre et méchant ici ! » disait Frisotin. L’air était âpre et salé. Les chants d’oiseaux s’étaient tus. « Qu’il fait triste ! » répétait Frisotin d’un ton pleurard.

Mais derrière un repli de terrain apparut tout à coup la neige vaporeuse de pommiers en fleurs : tout un verger joyeux et léger comme une chanson. De vieux arbres tordus et rabougris couverts d’une toison fragile, à peine éclose.

« Fée Yveline, s’écria Doric, que son sourire soit aussi joyeux que les pommiers fleuris ! »

La lune se leva au-dessus de la cime des arbres. « Dormons ! » dit Doric ; et ils se reposèrent jusqu’au lendemain.

« Prends mon cheval, Frisotin. Retourne au château. Je continuerai seul mon voyage. »

Frisotin ne se le fit pas dire deux fois : il en avait assez de l’équipée.

Doric attendit le jour. Les prés étaient couverts d’une épaisse buée blanche. Quand le soleil parut, elle se déchira peu à peu en écharpes, qui s’allongeaient dans de souples mouvements.

« Fée Yveline, je veux que ma fiancée porte une écharpe pareille à celles-ci ! » Doric entra dans une cabane : une vieille femme y tissait, pliée en deux comme une branche sèche.

« Chut ! chut ! moins de bruit ! dit-elle en le voyant entrer. Vous allez les effaroucher. Là, voyez-vous, ils se sont enfuis… »

Elle expliqua que, depuis des temps immémoriaux, elle travaillait, aidée par une légion d’esprits bienfaisants, qui guidaient ses mains tremblantes. Tout le monde la connaissait : on se disputait ses étoffes merveilleuses. Elles étaient quelquefois légères au point qu’il fallait mettre un poids sur elles pour les empêcher de s’envoler ; quelquefois lourdes au point qu’il fallait un attelage pour en transporter une seule aune.

Des écheveaux aux teintes éclatantes étaient pendus aux murs, et la vieille semblait un chiffon égaré parmi tant de richesses.

« Il n’y a, dit-elle, qu’un tissu qui dépasse mes moyens. A le chercher, j’ai usé mes yeux et mes meilleures aiguilles. Il s’appelle : Celui-qui-est-trop-