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La mystérieuse forêt se peupla de bruissements. On eût dit que les arbres s’étiraient paresseusement. Des lapins se faufilaient dans les broussailles et tenaient conseil dans les clairières.

Doric atteignit l’orée du bois. Le ciel était ravissant à voir. Le bleu intense de la nuit s’était fondu délicatement en mauve indécis. Vers l’orient, une lueur d’abord hésitante caressait l’horizon : elle était d’un rose tendre, frêle et velouté.

« Fée Yveline, s’écria Doric, je veux que les joues de ma fiancée soient pareilles à cette clarté qui annonce le soleil. »

Doric donna un coup d’étrier. Il traversa des prairies et des champs. Il piétina d’humbles plantes couvertes de rosée, dont la senteur rustique montait à ses narines.

Vers midi, la chaleur devint accablante.

Le page Frisotin demandait à boire en gémissant, mais Doric allait toujours.

Une source apparut. Frisotin supplia de s’y arrêter : il fallut céder. Pendant qu’il buvait, Doric laissa errer ses yeux sur l’eau claire qui jasait en courant sur la mousse ; il fut ravi. Mille reflets scintillaient sur la nappe limpide, mille aigrettes, mille queues de flammes. Des soleils y tournoyaient en se fuyant et se rapprochant tour à tour.

La source était d’argent, d’or vif, de turquoise ; elle miroitait. Rien qu’à la voir, on se sentait désaltéré.

« Fée Yveline, s’écria Doric, je veux que ses yeux soient pareils à cette eau charmante. »

Doric secoua son paresseux écuyer, qui tentait tout bonnement de se laisser gagner par le sommeil. Ils reprirent leur route. La journée était radieuse et tissée de chants d’oiseaux. Cependant la campagne devint aride. Plus que de maigres arbres courbés dans le même sens, comme des suppliants.

« Frisotin, où sommes-nous ? »

Frisotin, très fier d’être interrogé, étendit le bras vers l’horizon : « La mer ! » murmura-t-il.

Doric se sentit une nouvelle ardeur. Il s’élança.

La mer était bien là, étendue nonchalemment derrière une rangée de dunes. Des voiles blanches s’y balançaient, l’ombre des nuages s’y promenait avec lenteur.

Doric se coucha sur une dune. Le soleil la criblait de lumière ; elle était plus jaune que lui, presque aussi ardente. Elle se creusait en plis onduleux.