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Doric descendit pour la recevoir. Il eut bien envie de se jeter à son cou, en l’embrassant sur les deux joues, mais il se contraignit et s’inclina profondément. En se relevant, il vit qu’elle rougissait et baissait les yeux.

Tout le palais s’était mis en grande tenue pour recevoir l’auguste visiteuse. Quand elle se mit à marcher, une foule de gens se saisirent de sa traîne avec des murmures de respect. On arriva au salon d’honneur.

Annette voulut s’asseoir sur un modeste tabouret caché honteusement derrière un pouf. On l’arrêta à temps.

« Quelle aimable simplicité ! » chuchotèrent les courtisans.

On passa des rafraîchissements. Annette dit à un laquais :

« Merci, mon bon Monsieur. »

« Quelle bienveillance ! » se dirent entre eux les laquais.

Une vieille intendante plaça un coussin sous les pieds de la princesse : « A vous plutôt, Madame, » dit Annette, en le lui remettant en mains.

« Quelle politesse ! Quelle exquise politesse ! » s’exclamèrent les intendantes.

Mais ce fut autre chose quand on s’avisa d’engager la conversation avec la princesse. Quand on lui demanda des nouvelles du roi, son père, de son vaste royaume, de ses sujets, on la vit muette, confuse, interloquée.

Doric aurait aimé rentrer sous terre.

Des propos désobligeants se mirent à parcourir le salon :

« C’est une fausse princesse ! C’est une intrigante ! »

Il regarda Annette et il remarqua que ses mains étaient rouges et ses joues gercées. Oui, c’était bien la petite fille qui courait avec lui dans la forêt, mais une princesse, oh ! non ! Elle injuriait de sa présence le moindre meuble de la chambre. On eût dit que le château splendide se rebiffait à son seul contact.

Et comme elle se tenait d’une façon guindée sur sa chaise ! Comme sa pose était peu gracieuse ! Comme ses pieds se regardaient d’une façon choquante ! Le lendemain, Doric vit venir à lui un vieillard irrité, qu’il connaissait pour être le chancelier :

« Monsieur le Gouverneur, la petite fille qui était hier ici ne s’appelle-t-elle pas Annette tout court, comme certaine paysanne de vos connaissances ? »

« Hélas ! oui, » répondit le pauvre gouverneur en tremblant de tous ses membres.

« Vous auriez pu nous priver d’une telle visite ! N’avez-vous pas vu ?… »

« Oui, j’ai bien vu que je ne devais plus songer à ma petite amie, interrompit Doric ; elle se tient trop mal en société. »