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Doric monta sur un cheval blanc comme l'écume, qui piaffait en l’attendant.

La bonne aubaine qu’un château tout de marbre et d’or qui vous tombe ainsi sur le nez d’un jour à l’autre !

Doric se promène parmi des chambres ornées comme des bijoux. Il admire, il admire encore. Il se jette sur les fauteuils, essaye la douceur des lits, ouvre des armoires pleines de bibelots, des bonbonnières débordantes de pralines. Il s’examine curieusement dans chaque miroir.

Si seulement Annette était ici !

« Monsieur Doric, lui chuchote sa conscience d’un air de reproche, n’est-ce pas méchant d’avoir ainsi abandonné la petite fille pour habiter un riche palais, quand elle couche sous le chaume ? » — L’intéressante question, quand voici une étagère remplie de pots de confitures !

« Elle se consolera, ma chère, elle se consolera ! »

Le temps passe gaiement. Doric se prélasse au milieu d’une foule de serviteurs attentifs. Mais, chaque soir, la voix chuchotante et timide reprend le même refrain. Alors, un jour, Doric se hasarde : « Monsieur, dit-il à son grand chambellan, faites, je vous prie, venir ici ma petite amie : nous jouerons une bonne fois ensemble. »

Mais le grand chambellan éclate de rire : « Une fille à pieds nus, s’esclaffe-t-il, non ! mais vous n’y pensez pas ? »

Doric se retire très mortifié, mais pénétré de ces paroles. « Il est vrai, se dit-il, qu’Annette ferait une drôle de mine ici. » Et il se résigne.

L’hiver frileux arriva. Il faisait froid, jadis, dans la cabane, mais dans le château, de grands feux brûlent jour et nuit avec un crépitement amusant à entendre.

« C’est l’époque où l’on ramassait du bois mort, » pense le petit gouverneur en croquant une cerise rouge venue à prix d’or d’un pays lointain. (Elle était enfouie dans des ouates blanches, au fond d’une caisse en bois parfumé.)

Comme les journées sont longues ! Doric connaît à présent tous les recoins de son domaine ; il s’est habitué au luxe qui l’entoure. D’ailleurs, on se fait vite à cela.