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son parfum. Elle a des yeux humains. Son accent est irrésistible quand elle invite à se pencher sur sa corolle…

« — Rassure-toi ! je saurai lui résister. »

Ils s’engagèrent dans le chemin. Ils virent des fleurs s’ouvrir d’un seul coup à leur approche, comme des éventails ou des queues de paons.

« Ce sont les « belles orgueilleuses ». Si tu les cueillais, tu deviendrais vaniteux. Vois-tu, elles veulent nous éblouir ! »

Un peu plus loin, toute une profusion de fleurs orangées retombaient en grappes le long des tiges.

« Goûtes-en, Farisel. Leur saveur est plus rafraîchissante et sucrée que celle des fruits de la terre ».

Farisel en mangea, et il en prenait toujours et toujours, tant elles étaient savoureuses.

Mais il s’arracha à ce repas délicieux, se souvenant que sa maman lui avait appris à se garder de la gourmandise.

Ils marchèrent encore. Une musique mélodieuse s’éleva d’une prairie de fleurettes mauves.

« Elles s’ouvrent toujours en chantant », murmura Barsifoul. Farisel brisa une tige. Tout se tut.

« Elles ont pris peur. Laissons-les en paix.

— « Je n’aurais pas dû les toucher. Il faut savoir admirer les belles choses sans y porter la main. Mais regarde, Barsifoul, au milieu de ce buisson enchevêtré » : une fleur blanche comme la neige, fière comme un lys. Un essaim de poissons ailés, couleur saphir et émeraude, l’environne.

— « Si tu parviens à l’arracher, garde-la précieusement. Elle rend invisibles ceux qui en pressent le cœur : c’est l’Amarille Immaculée. »

Farisel écarta avec peine les branches du buisson. L’Amarille répandait une lumière d’autant plus aveuglante qu’il s’en approchait davantage.

— « Garde les yeux ouverts, » cria Barsifoul. « A travers eux, elle scrute ton âme. Si tu les fermes, c’est que tu manques de courage : elle se dérobera sous ta main. »

Farisel tint bon malgré sa souffrance.

Il cueillit la fleur, l’enferma dans une boîte de verre. Le sol était formé de prairies touffues, tapissées de mousses et de lichens. Çà et là, se dressait une plante couverte de baies rouges.

— « N’en mange pas, Farisel. Chaque fruit est le refuge d’une bestiole qui ronge le cœur petit à petit…

— « Quelle est cette voix ? Et que nous dit-elle ? »