Page:Hovine - Conte sous-marin, Annette et Doric, Fanfreluche, Papillon, 1918.djvu/14

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« — De grâce, implorait Farisel, laissez-moi poursuivre ma route ! Les plus graves malheurs pourraient survenir si vous me reteniez ! »

Mais elles riaient en secouant leurs cheveux verts. Elles battaient des mains, dans la joie de l’avoir capturé.

« Tu ne seras pas malheureux ici. Nous te soignerons bien. Nous te fiancerons à la plus belle de nos filles. Tu pourras, chaque jour, entendre nos voix merveilleuses. Elles sont plus douces à écouter que toutes les musiques du monde. »

Farisel se mit à pleurer. Il se sentait perdu. Tout à coup, il perçut de grands cris d’effroi. Il leva les yeux : les Sirènes s’enfuyaient, pleines de terreur. Barsifoul était à quelques pas de lui, le regardant avec ses bons gros yeux.

« Cher crabe ! Sans toi j’étais perdu ! Comment es-tu arrivé jusqu’à moi ? » J’ai suivi l’empreinte de tes pas sur le sable et les Sirènes m’ont trouvé si laid et si terrible qu’elles ont fui avec épouvante. C’est la première fois que je bénis le Créateur de m’avoir fait repoussant à voir ! Mais il s’agit de te dégager de ce maudit corail… Comment couper ces cordes ?

— « Prends dans ma poche le canif dont je me servais pour tailler les branches et en faire des sifflets. »

Le crabe obéit. Farisel délivré, ils regagnèrent l’endroit qu’ils avaient choisi pour dormir.

Les deux voyageurs arrivèrent le lendemain devant une immense étendue parsemée de fleurs multicolores, d’une exquise senteur.

On en voyait de toutes formes. Des corolles ressemblaient à des vases aux bords gracieusement recourbés ; des pétales s’étalaient comme des couronnes autour de fragiles étamines ; des tiges rampaient, d’autres s’élançaient verticalement ou s’enroulaient entre elles. Il y avait des fleurs souples comme des lanières, larges comme des mains, découpées comme des dentelles. En les fixant attentivement, on voyait des boutons s’entr’ouvrir mystérieusement comme de petits gouffres, des pétales s’écarter et s’épanouir comme des doigts qui s’étirent, des feuilles se déplier, des tiges monter du sol. Les fleurs avaient des teintes à la fois tendres et chaudes ; elles s’harmonisaient dans un ensemble lumineux.

Farisel pria son guide de suivre un sentier qui s’ouvrait devant eux. « Prenez garde, mon petit maître ! C’est dans ce jardin enchanteur que croît la « Célisale noire ». Elle donne le sommeil éternel à celui qui respire