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Longtemps, longtemps, les roues d’or avaient glissé sur le sable fin.

Farisel et Barsifoul avaient parcouru bien des régions ; ils avaient croisé sur leur route des poissons de toutes espèces, qui fuyaient à leur approche ou se tenaient peureusement à une grande distance.

C’étaient de grosses bêtes aux nageoires puissantes, couvertes d’écailles d’argent ; de longues anguilles vertes et noires, au dos couvert de dessins ; des araignées velues qui couraient sur le sable, des méduses qui nageaient en ondulant, des poissons microscopiques qui voyageaient en masse compacte et répandaient une vive lumière.

Ils avaient foulé de vrais tapis de coquillages ; ils avaient vu des montagnes couvertes de moules et des rochers envahis par les mousses grimpantes.

Farisel s’étonnait de ce que la nuit ne vînt pas encore.

« Barsifoul, quand donc fera-t-il obscur ? »

« — Il ne fait jamais obscur dans l’Océan, maître. Notre nuit est rouge comme le sang. »

« — Comment cela ?

» — Te souviens-tu, sur la terre, d’avoir vu le soleil écarlate tomber à chaque crépuscule, derrière l’horizon ?

» — Je l’ai vu tomber dans la mer, car j’habite un pays entouré d’eau. »

Pendant qu’ils parlaient, les profondeurs mouvantes avaient abandonné leur teinte bleue pour se transformer en passant par un rose délicat qui se fonçait petit à petit, en un rouge violent. La mer entière ressemblait à une coupe remplie d’un vin vermeil.

« Voici la nuit, » dit Barsifoul.

Là-bas, une grosse boule, qu’on aurait dite de verre, descendait tranquillement.

« Le Soleil ! s’exclama Farisel.

» — Le Soleil blessé par le Crépuscule, qui vient ici se rafraîchir et retrouver dans le calme reposant des eaux la force de resurgir, à l’Aurore, dans le ciel des hommes.

» — Mais où sont les paillettes qui faisaient scintiller la mer pendant le jour ?

» — Elles sont bien loin d’ici. Elles parsèment de leur clarté dansante les cieux obscurcis qui recouvrent la terre. Demain, aux premières heures du jour, elles nous reviendront. »