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veux partir aujourd’hui même et faire cesser bientôt ta souffrance, pauvre Roi ».

— « Puisses-tu réussir, et je t’aimerai comme mon propre fils. Je te comblerai de richesses et de présents. Mais je crains pour toi bien des périls ! »

— « Aucun danger ne me fait peur ; je veux vaincre Mithra. Je serai comme la fourmi qui a décidé d’escalader une motte de terre : rien ne peut la faire reculer. »

Le vieux Roi ne savait pas ce que c’était qu’une fourmi, mais il comprit que Farisel était un courageux enfant.

« Maintenant, dit-il, il faut que je te donne un compagnon de voyage. Que dirais-tu d’un gros crabe qui t’enlèverait à travers l’Océan sur un attelage formé d’une coquille nacrée ? »

Comme Farisel acceptait avec empressement, il le fit entrer dans une salle où une foule de serviteurs : sardines, soles et crevettes, se prosternèrent à leur vue.

« Fais venir Barsifoul, » ordonna-t-il à l’un d’eux qui portait un trousseau de clefs autour d’une nageoire. Quelques instants après apparut un crabe volumineux et imposant qui se fraya un passage jusqu’à son maître.

« Je te présente Barsifoul : c’est le plus ancien de mes sujets et aussi le plus dévoué. Avant l’enlèvement de mes petites filles, il avait la fonction de grand organisateur des fêtes du palais. Nous donnions des réceptions nombreuses et splendides. Il avait de la besogne, je t’assure : les chères enfants n’étaient jamais rassasiées de plaisir. Le voilà maintenant triste et désœuvré. Si je ne l’employais à te servir, il moisirait dans son vieux trou à pleurer les temps passés. Je te le donne comme guide pendant ton voyage. Il possède des pattes rapides : tu feras bon chemin avec lui. »

Barsifoul écarquillait les yeux pour mieux voir Farisel. Il parla à son nouveau maître en l’assurant de son obéissance et de son dévouement.

« Qu’on avance l’attelage dans lequel mes enfants faisaient leur promenade, » commanda le roi.

Aussitôt trois anguilles empressées amenèrent une jolie et fine coquille montée sur des roulettes.

« Te voilà équipé, à présent ! »

« — Et il ne me reste plus qu’à partir à l’instant même, » dit Farisel.

Il monta sur son siège.

Un profond silence se fit : les serviteurs agitaient leur queue en signe d’adieu.

Des portes s’ouvrirent sur le royaume inconnu des eaux bleues, et, ayant fait claquer autour de sa tête un fouet aux lanières blanches, Farisel disparut, entraîné par son compagnon.