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LE CHINOIS

langues agglutinantes. Le sens de ces racines accessoires s’est obscurci peu à peu ; on est venu, avec le temps, à ne plus leur accorder qu’une sorte de valeur un peu arbitraire ; mais il fut une époque, une époque lointaine, l’âge d’or du monosyllabisme, pour ainsi dire, où leur sens véritable, leur signification pleine et entière, s’offrait seule et d’elle-même à l’esprit.

C’est un fait que les Chinois ont remarqué avec une sagacité surprenante, lorsqu’ils classèrent les racines en deux groupes distincts, les mots pleins et les mots vides. Par les premiers, par les mots pleins, ils entendaient les racines dont la signification restait dans toute sa plénitude et son indépendance, les racines que nous rendons dans nos traductions par des noms ou des verbes ; ils appelaient mots vides les racines dont la valeur propre s’obscurcissait par degrés et qui peu à peu recevaient la mission de déterminer et de préciser la nation très-vague des mots pleins, des mots dont le sens primitif persistait tout entier. Observation remarquable et qui témoigne, mieux que bien d’autres découvertes, d’un esprit singulièrement perspicace. « Qu’est-ce que la grammaire ? » demande à son élève l’instituteur chinois. « C’est un art très-utile, répond l’élève, un art qui nous enseigne à distinguer les mots pleins et les mots vides. »

Après avoir parlé de l’importance de la place syntaxique des racines et de leur valeur respective, il y a lieu de dire quelques mots des différentes inflexions de la voix en chinois.

Les différents tons que l’on rencontre en petit nombre dans la langue chinoise ont une utilité capitale lorsqu’il s’agit de distinguer les significations, parfois très-diverses, de syllabes formées des mêmes éléments. Le vocabulaire chinois quasi académique donne quarante-deux mille caractères graphiques différents, ayant chacun leur pronon-