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LA LINGUISTIQUE.

nues toutes les langues ? L’on ne fabrique pas un système linguistique ; il se forme et se développe de lui-même, par degrés, petit à petit, mais il est né en même temps qu’est né l’homme : non pas l’homme individu, mais l’homme pris dans le sens général, le groupe humain, si l’on veut. C’est ce que nous avons dit plus haut : l’apparition de la faculté du langage articulé détermine le point d’évolution où un primate a droit au nom d’homme.

Schleicher, dans sa rapide mais si substantielle notice sur l’importance du langage pour l’histoire naturelle de l’homme et dans son écrit non moins remarquable sur la théorie darwinienne et la science du langage, a traité de cette corrélation de la naissance de l’homme et de l’apparition du langage articulé. « Si c’est le langage qui fait l’homme, dit-il, nos premiers pères n’ont pas été réellement hommes : ils ne le sont devenus qu’au moment où se forma le langage, et cela grâce au développement du cerveau, grâce au développement des organes de la parole. » La linguistique, comme toutes les autres sciences naturelles, nous force à admettre que l’homme s’est développé de formes inférieures ; qu’il est devenu homme, mais qu’il n’est pas homme par un coup de baguette quelconque.

Nous avons à notre tour repris ce sujet, lors de l’excellente communication sur le Précurseur de l’homme, faite par M. de Mortillet à l’Association française pour l’avancement des sciences[1], au sujet des silex taillés trouvés dans les couches marneuses de l’étage des calcaires de Beauce. D’après les lois de la paléontologie, l’homme actuel ne devait pas exister à cette époque ; la succession des faunes dans les divers étages géologiques est en effet reconnue et acquise : d’étage en étage les animaux se modifient, et leurs variations se précipitent d’autant plus que leur orga-

  1. Seconde session, tenue à Lyon, août 1873.