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LA LINGUISTIQUE.

près constamment cet hémisphère. Cela revient à dire que, ponr le langage… nous sommes gauchers du cerveau… nous parlons avec l’hémisphère gauche. C’est une habitude que nous prenons dès notre première enfance. De toutes les choses que nous sommes obligés d’apprendre, le langage articulé est peut-être la plus difficile. Nos autres facultés, nos autres actions existent au moins à l’état rudimentaire chez les animaux ; mais quoique ceux-ci aient certainement des idées, et quoiqu’ils sachent se les communiquer par un véritable langage, le langage articulé est au-dessus de leur portée. C’est cette chose complexe et difficile que l’enfant doit apprendre à l’âge le plus tendre, et il y parvient à la suite de longs tâtonnements et d’un travail cérébral de l’ordre le plus compliqué. Eh bien, ce travail cérébral, on le lui impose à une époque très-rapprochée de ces périodes embryonnaires où le développement de l’hémisphère gauche est en avance sur celui de l’hémisphère droit. Dès lors, il ne répugne pas d’admettre que l’hémisphère cérébral le plus développé et le plus précoce soit, plus tôt que l’autre, en état de diriger l’exécution et la coordination des actes à la fois intellectuels et musculaires qui constituent le langage articulé. Ainsi naît l’habitude de parler avec l’hémisphère gauche, et cette habitude finit par faire si bien partie de notre nature, que, lorsque nous sommes privés des fonctions de cet hémisphère, nous perdons la faculté de nous faire comprendre par la parole. Cela ne veut pas dire que l’hémisphère gauche soit le siège exclusif de la faculté générale du langage, qui consiste à établir une relation déterminée entre une idée et un signe, ni même de la faculté spéciale du langage articulé, qui consiste à établir une relation entre une idée et un mot articulé ; l’hémisphère droit n’est pas plus étranger que le gauche à cette faculté spéciale, et ce qui le prouve, c’est que l’individu rendu aphémique par une lésion profonde