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LANGAGE ARTICULÉ DANS l’HISTOIRE NATURELLE.

loppement que l’hémisphère opposé. On comprend ainsi pourquoi, dès les premiers temps de la vie, le jeune enfant se sert de préférence des membres dont l’innervation est alors la plus parfaite, pourquoi, en d’autres termes, il devient droitier. Le membre supérieur droit, étant dès l’origine plus fort et plus adroit que le gauche, est appelé, par cela même, à fonctionner plus souvent, et il acquiert dès lors une supériorité de force et d’adresse qui ne fait que s’accroître avec l’âge. Jusqu’ici j’ai appelé droitiers ceux qui se servent de préférence de la main droite, et gauchers ceux qui se servent de préférence de la main gauche. Ces expressions sont tirées de la manifestation extérieure du phénomène ; mais si nous considérons le phénomène par rapport au cerveau et non par rapport à ses agents mécaniques, nous dirons que la plupart des hommes sont naturellement gauchers du cerveau et que, par exception, quelques-uns d’entre eux, ceux qu’on appelle gauchers sont au contraire droitiers du cerveau… Ce n’est ni dans les muscles, ni dans les nerfs moteurs, ni dans les organes cérébraux moteurs, tels que les couches optiques ou les corps striés, que gît le phénomène essentiel du langage articulé. Si l’on n’avait rien de plus que ces organes, on ne parlerait pas. Ils existent quelquefois, parfaitement sains et parfaitement conformés, chez des individus devenus complètement aphémiques ou chez des idiots qui n’ont jamais pu ni apprendre ni comprendre aucun langage. Le langage articulé dépend donc de la partie de l’encéphale qui est affectée aux phénomènes intellectuels, et dont les organes cérébraux moteurs ne sont en quelque sorte que les ministres. Or, cette fonction de l’ordre intellectuel, qui domine la partie dynamique aussi bien que la partie mécanique de l’articulation, paraît être l’apanage à peu près constant des circonvolutions de l’hémisphère gauche, puisque les lésions qui produisent l’aphémie occupent à peu