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LA LINGUISTIQUE.

ont pas moins droit au nom de véritables langues, et leur plus ou moins d’harmonie et de charme n’a que faire en cette question. Notons que le plus souvent c’est leur matériel phonétique qui doit nous paraître étrange et non leur structure.

Mais, a t-on dit, les individus qui ne donnent aucun signe de cette prétendue caractéristique humaine, les sourds-muets de naissance, par exemple, ou les gens atteints d’aphasie par suite d’une lésion cérébrale, ne devraient pas, à ce compte, recevoir le nom d’hommes, et pourtant il est manifeste, il est incontestable que l’on ne peut point ne pas les tenir pour tels.

Cette double objection est à peine spécieuse. Il n’est pas inutile cependant de la réfuter.

Ce qui manque au sourd-muet de naissance, ce n’est en aucune façon la faculté dont il est ici question, c’est la liberté de mettre en action ladite faculté. Le sourd-muet n’est muet que parce qu’il est sourd ; c’est sa surdité qui entrave seule l’usage de la faculté du langage. Au surplus, un enseignement spécial peut rompre cette entrave, et le sourd-muet de naissance apprend à parler, apprend à se servir de la faculté native du langage articulé. Il existe des écoles particulières où on lui enseigne expérimentalement à proférer, au moyen du jeu de son appareil vocal, les sons que ses oreilles ne lui ont pas appris à connaître. « Le sourd-muet, en effet, étant l’individu qui n’est muet que par cela qu’il est sourd, l’individu qui ne parle pas, uniquement parce qu’il n’a pas entendu parler, l’organe qui fait défaut chez lui est celui de l’audition, et non celui du langage. Le sourd-muet proprement dit n’est pas plus atteint, dans les organes cérébraux de la parole, comme dans ses organes vocaux, que ne l’est, dans les organes de la locomotion, un individu auquel on a lié les jambes. Pas plus à l’un qu’à l’autre, la faculté native