Page:Hovelacque - La Linguistique.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
18
LA LINGUISTIQUE.

Qu’est-ce donc que l’étymologie, ou plutôt que doit-elle être pour mériter créance et prétendre à une valeur scientifique ? Un résultat pur et simple. Résultat de la linguistique, résultat de la philologie.

Elle est déductive dans le premier cas, historique dans le second.

Disons quelques mots de ces deux hypothèses, en commençant par la seconde. L’histoire de la langue française nous enseigne, pour prendre quelques exemples, que dinde est un abrégé de poule d’Inde ; que hussard vient, par intermédiaire, du magyar húsz, qui veut dire « vingt » ; que l’anglais jockey représente notre ancien diminutif Jacquet. Voilà tout autant d’exemples d’étymologies philologiques, ou, si l’on veut, historiques. Sur ce terrain, en effet, c’est à la critique historique, à elle seule, qu’il appartient de décider si les suppositions que l’on se plaît à faire sont exactes ou inexactes, si elles sont vraisemblables ou invraisemblables. Mais la critique historique a trop souvent été en défaut. C’est de la critique historique que relèvent une foule d’étymologies appuyées sur des parce que, et dans le nombre il s’en rencontre plus d’une qui, pour paraître très-simple au premier coup d’œil, n’en doit pas moins être regardés comme absolument défectueuse. Ainsi, d’après les juristes latins, l’esclave, servus, tirait son nom de ce qu’il avait été, par la grâce du vainqueur, sauvé, préservé d’un coup fatal ; or, tout au contraire, le sens antique de ce mot est celui de protecteur, de gardien : il répond rigoureusement, en tant que nominatif singulier, à la forme haurvô, gardien (paçus-haurvô, gardien de bétail) de l’Avesta. C’est à l’aide de parce que que l’on fait venir feu (défunt) de fuit, il fut. Un pas de plus et l’on tire cadaver de ca [ro] da [ta] ver [mibus], nobilis de non vilis et dignus de di-genus, espèce de dieu.

L’étymologie linguistique est tout aussi périlleuse, plus