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LES DANGERS DE L’ÉTYMOLOGIE.

mitiques et des racines indo-européennes rapprochées sans critique les unes des autres. Gesenius lui-même n’a point échappé à ce malentendu, et il n’est pas étonnant qu’à sa suite les exégètes orthodoxes y aient donné à cœur joie. Rien de plus périlleux que de s’emparer de deux mots tout faits et de les rapprocher l’un de l’autre, si l’on ignore les procédés et les lois de leur structure ; les équivalences qui semblent au premier coup d’œil s’imposer le plus invinciblement sont parfois les plus trompeuses. Bien souvent, au contraire, des formes que l’on ne songeait jamais à rapprocher les unes des autres se trouvent unies par les liens de la plus étroite parenté. Depuis leur antique communauté, depuis l’époque où elles n’étaient toutes qu’une seule et même forme, elles ont subi chacune des lois diverses de variation ; mais ces lois sont découvertes aujourd’hui, et l’unité, la réelle unité de ces formes, est un fait hors de conteste. C’est ainsi, par exemple, que le grec ἡδύς « doux » et le latin suavis remontent tous deux à une seule et même forme plus ancienne ; il en est de même du latin solus et du perse haruva « tout », de l’irlandais il et du sanskrit purus « nombreux » ; du grec ἰός « poison » et du latin virus, de l’anglais five « cinq » et du croate pet ; du hollandais vader « père » et de l’arménien hayr ; de l’arménien és « je » et du croate ja. C’est ainsi encore que des mots appartenant à une seule et même langue et qui semblent, au premier abord, n’avoir aucune connexité, appartiennent en réalité à une seule et même racine ; en français, par exemple : solide, solder, soldat, seul, serf ; — jeu, bon, jour, divin ; — auspice, sceptique, évêque, épice, répit ; — assister, coûter, étable, obstacle. Nous sortirions des limites permises à cet écrit en exposant par le menu les principes qui relient entre elles ces formes diverses et pourtant proches alliées, que la pure et simple divination aurait grand’peine sans doute à rattacher les unes aux autres.