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LA LINGUISTIQUE.

qui ont la charge de l’enseignement sussent que ces règles existent et n’ignorassent point les principales ni les plus élémentaires d’entre elles ? A notre sens, ce ne serait pas trop demander.

§ S. Les dangers de l’étymologie.

Si l’aptitude spéciale à la connaissance pratique des lan gués n’est point une science, l’étymologie, par contre, telle qu’elle est pratiquée le plus souvent, ne peut être regardée ni comme une science ni comme un art. L’étymologie, par elle-même, n’est qu’une jonglerie, une sorte de jeu d’esprit, si bien que le grand ennemi de l’étymologiste, son ennemi implacable, c’est le linguiste. En un mot, l’étymologie par elle-même et pour elle-même n’est que de la divination ; elle fait abstraction de toute expérience, néglige les difficultés et se contente des apparences spécieuses de ce qui n’est qu’à peine probable ou à peine vraisemblable. Peut-on douter, de prime abord, que ces mots allemands haben « avoir », bereit « prêt », œhnlich « analogue », abenteuer « aventure » ne répondent presque lettre pour lettre, au latin habere, paratus, au grec ἀνάλογος, au français aventure ? L’anglais to call au grec καλέω « j’appelle je convoque ». Et cependant il n’en est rien.

L’analyse linguistique démontre l’inanité de ces rapprochements faciles ; ils ne soutiennent pas une seconde l’examen d’une critique méthodique. C’est à l’aide de procédés aussi fantaisistes que l’on a prétendu assimiler les idiomes absolument étrangers les uns aux autres, les langues sémitiques et les langues indo-européennes, le basque et l’irlandais. Les plus illustres sémitisants, ceux qui ont rendu à la philologie des langues syro-arabes les meilleurs services, se sont maintes fois laissé prendre à ce piège, et nous voyons à tout instant dans leurs écrits des racines sé-