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LA LINGUISTIQUE.

Si donc il importe de distinguer ces deux sciences, de ne confondre ni leur but, ni leur méthode, pas plus que leur vrai nom, il n’importe pas moins de reconnaître qu’elles sont appelées l’une et l’autre à se rendre des services mutuels et considérables. C’est ainsi que l’histoire a maintes fois fourni à l’étude des races humaines d’utiles informations et que l’anthropologie, à son tour, a pu éclaircir bien des faits historiques.

§ 4. Les polyglottes.

La connaissance pratique des langues, ou, pour nous exprimer d’une manière plus simple, l’art de les parler couramment et de façon correcte, repose avant tout sur une aptitude naturelle. Cette aptitude se développe par un usage plus ou moins prolongé ; mais il ne serait exact, en aucun cas, de la regarder comme une science. L’on s’étonne souvent de voir un auteur de nombreux et bons travaux linguistiques être peu capable d’entretenir la conversation en quatre ou cinq langues différentes, et l’on est tout surpris qu’il ne sache se servir parfois, avec quelque facilité, que de son idiome maternel. Il y a là une forte méprise. Le linguiste n’a que faire d’être polyglotte, ou, du moins, il n’est point nécessaire qu’il le soit. Le polyglotte, de son côté, n’a, du fait même de son art, aucun droit au nom de linguiste ; et cependant chaque jour nous entendons donner ce nom de linguistes aux personnes qui, grâce à certaines circonstances, grâce notamment à cette aptitude spéciale, parlent avec plus ou moins de facilité dix, douze idiomes, parfois même davantage, sans connaître cependant un traître mot de leur structure. Ce que nous avons dit plus haut du caractère même de la linguistique et de la nature des études du linguiste nous dispense d’insister sur cette confusion vulgaire.