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LA LINGUISTIQUE.

déjà à l’arbitraire et aux fantaisies de ceux qui les parlent. Ce serait là une erreur. Le développement des langues est, avant tout, déterminé, et le cours de leur vie ne saurait, par une inadmissible dérogation aux lois naturelles, échapper aux nécessités communes à tout ce qui vit. A la vérité, sous l’influence de circonstances heureuses ou malheureuses, elles s’altéreront plus ou moins gravement, elles marcheront à leur décadence, à leur perte, d’un pas plus ou moins précipité ; mais rien ne fera fléchir leurs tendances organiques.

Elles sont, en un mot, ce que leur nature veut qu’elles soient. Jamais, par exemple, on ne parviendrait à créer une langue mixte. On ne saurait imaginer une langue indo-européenne dont la grammaire soit en partie slave, en partie latine. Il n’y a pas, il ne peut y avoir de langues mixtes. L’anglais, par exemple, chez lequel se sont introduits un si grand nombre d’éléments étrangers, notamment d’éléments français, n’en demeure et n’en demeurera pas moins jusqu’à son extinction une vraie langue germanique ; le basque est dans un cas analogue : ses emprunts constants à deux langues romanes n’altéreront jamais son caractère particulier. C’est encore ainsi qu’au moyen âge le huzvàrèche conserva son caractère de langue éranienne, en dépit de l’intrusion considérable d’éléments sémitiques dont il eut à souffrir.

Mais il ne faut point douter que cette sorte de commerce intellectuel, que ces emprunts, fruits inévitables de la civilisation, ne précipitent singulièrement la vie des langues. Les faits sont là, évidents, palpables. Ainsi, parmi les langues germaniques, nous voyons l’anglais parcourir du milieu du treizième siècle jusqu’à nos jours une rapide, très-rapide carrière, tandis que l’islandais nous offre aujourd’hui encore et à chaque instant des formes très-anciennes et fort bien conservées. L’obscur lithuanien peut être tenu