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Cela paraît incroyable, mais le mot a été dit. Le docteur nous a souvent raconté cette histoire d’un air dédaigneux, mais sans cacher toutefois son amertume. C’était à une des réceptions qui ont suivi le coup d’État. Il y avait là des ambassadeurs, des ministres et quelques aspirants ministériels. Le docteur venait d’être nommé député de Sceaux : il se croyait de la cour ; sa manière toute bruyante avait déplu au chef de l’État, lequel jugeait qu’il ne fallait pas aux Tuileries des personnages de comédie. Il ne fit donc pas de façons pour mettre Véron à sa place, c’est-à-dire « dehors », selon son mot. Les empereurs sont forcés d’être ingrats, car Véron avait bien travaillé pour le Président de la République. Il est vrai qu’il n’était pas monté à cheval le matin du coup d’État, pour être du cortège victorieux.

Un jour que Véron racontait cette aventure, et semblait en appeler des paroles du tyran, Rachel lui dit, avec son coin de lèvres railleur :