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qu’il venait de louer place Vendôme. Il était mort qu’on n’avait pas encore fini son déménagement. C’est la vieille histoire du monde : la mort a beau frapper à la porte, on ne travaille que pour l’avenir, ce mirage et ce mensonge pour tous au delà des vingt ans.

Clésinger, qui avait assisté à cette lente et solennelle agonie du génie humain, qui entrevoit le ciel, mais qui pourtant s’arrache à la terre avec un dernier déchirement de cœur, retourna à son atelier pour immortaliser le tombeau de son ami. L’âme de Chopin était avec lui. De ses mains de flamme il a pétri en pleine terre une figure qui tient une lyre brisée. C’est le chant du cygne, c’est l’âme de Chopin qui s’incline vers le tombeau, cette sombre voie du ciel. Il ne lui a fallu qu’un jour, à Clésinger, pour commencer et finir cette figure. C’est simple, c’est triste, c’est noble, c’est grand, c’est beau.