Page:Houde - Le manoir mystérieux, 1913.djvu/94

Cette page a été validée par deux contributeurs.
94
LE MANOIR

plus pour cette Joséphine si tendre, si aimable qui charmait vos jours…

— Qu’elle reste où elle est, brave capitaine : la fille du seigneur de Champlain n’est-elle pas assez honorée d’être la femme de Deschesnaux, Deschesnaux, dont l’aïeul reçut les secours de mon père après la bataille de… de… Ah ! ma mémoire ! ma mémoire ! je n’en ai plus.

— Après la bataille de Senef, en 1674, où Villars, créé plus tard duc en récompense de sa vaillance et de son génie militaire, se distingua avec éclat, répondit un autre vieillard assis près du seigneur.

C’était M. Mullois, parent de celui-ci, auquel sa compagnie était d’autant plus agréable qu’il était un répertoire vivant d’histoire et de géographie.

— C’est cela, reprit M. de la Touche. Ma pauvre tête oublie tout ce qu’elle devrait savoir, et se souvient de ce qu’elle devrait oublier. Mon cerveau a été en défaut depuis votre départ, cher DuPlessis, et en ce moment encore il chasse contre le vent.

— Vous feriez bien, mon ami de vous mettre au lit, dit M. Mullois, et de tâcher de goûter quelque repos, pour vous tenir en état de supporter les épreuves qu’il plaît à Dieu de vous envoyer.

— Vous avez raison, mon cher parent ; je tâcherai de les supporter en homme. Voyez, DuPlessis, ajouta-t-il en montrant une boucle de cheveux. Le soir qui précéda son départ, elle m’embrassa plus tendrement que de coutume ; et, comme je la retenais par cette boucle, elle saisit les ciseaux, la coupa et me la laissa comme tout ce qui devait me rester d’elle désormais.

Et, penchant sa tête sur son sein, il se mit à pleurer. DuPlessis fit à son tour des instances pour que le vieillard se remît au lit, et il resta près de lui jusqu’à ce qu’un sommeil