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LE MANOIR

deux voyageurs montèrent à cheval, et lorsqu’ils eurent fait quelques pas, DuPlessis remarqua que sa bête avait plus d’ardeur que le matin.

— C’est, lui fit observer Taillefer, l’effet d’un de mes secrets. D’ici à six heures au moins, monsieur n’aura pas à faire sentir les éperons à sa monture.

Pendant que le maréchal continuait à s’étendre sur l’excellence de sa science vétérinaire, une forte explosion se fit entendre. Ils se retournèrent et s’aperçurent que l’antre du chimiste venait de sauter.

— C’est un tour du lutin, dit Taillefer ; j’aurais dû me douter qu’ayant parlé des intentions du docteur Degarde devant lui, il ne serait content qu’après les avoir exécutées. C’est pour le coup que ma forge est au diable. Mais doublons le pas, car la détonation pourrait attirer les gens des environs.

À ces mots il partit au galop, ainsi que son compagnon de route. Ils continuèrent ainsi l’espace d’une demi-lieue, puis, ralentissant le pas, ils se rendirent sans s’arrêter jusqu’aux Trois-Rivières. Ils descendirent à l’auberge Lafrenière, où DuPlessis laissa son compagnon de voyage pour aller voir le commandant, M. Bégon. Lorsqu’il revint au bout d’une couple d’heures, il s’aperçut avec étonnement qu’il y régnait une confusion peu ordinaire. On y parlait avec animation d’une nouvelle extraordinaire que l’on venait d’apprendre à l’instant.

— Figurez-vous, monsieur, dit le garçon d’écurie, interpellé par DuPlessis, qu’il est arrivé ici tout à l’heure un monsieur Gignac, d’Yamachiche, qui nous a dit que ce matin le diable a enlevé, avec un bruit épouvantable, à la Pointe-du-Lac, ce maréchal qu’on nommait Taillefer le sorcier, et qui, comme chacun le sait et comme l’événement le prouve, avait un commerce avec Satan.