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MYSTÉRIEUX
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Vous avez entendu parler de la campagne conduite par M. de Saint-Denis, il y a une douzaine d’années, contre les Natchez de la Louisiane, campagne sanglante dans laquelle ces terribles Indiens furent presque tous détruits.

— Je me rappelle tout cela, interrompit l’aubergiste ; le bruit de ces exploits retentit jusque sur les bords du Saint-Laurent, et en l’honneur des intrépides Canadiens qui avaient pris part à cette guerre, on chantait la ballade, ajouta-t-il entre haut et bas :

De nos guerriers c’était la fleur,
Au milieu du carnage ;
Tel un roc brave la fureur
Des vents et de l’orage.

DuPlessis fit observer que ce n’était pas le moment de chanter l’héroïque ballade, et continua :

— Je faisais partie de cette expédition avec plusieurs Canadiens des Trois-Rivières et des environs, entre autres un jeune M. Pezard de la Touche, fils du seigneur de Champlain. C’était mon plus grand ami de cœur. J’eus la douleur de le voir expirer dans mes bras deux jours après avoir été mortellement blessé dans la dernière rencontre que nous avions eue avec l’ennemi. Il me pria, si j’avais le bonheur de revenir sain et sauf au pays, d’aller près de son père et de sa sœur, — il avait perdu sa mère dès l’âge tendre, — de leur porter ses derniers adieux et de leur dire qu’il était mort en soldat et en chrétien. Aussitôt de retour aux Trois-Rivières, trois ans plus tard, je m’empressai de m’acquitter de ma pénible mission. J’arrivai un jour au manoir de M. Pezard de la Touche, à Champlain, et ma ressemblance frappante, paraît-il, avec le fils et le frère bien-aimé dont on portait encore le deuil, faillit me faire prendre pour un revenant et faire