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LE MANOIR

— Par qui donc est-il habité ? insista DuPlessis.

— Oh ! monsieur, puisque vous y tenez absolument, je vais vous le dire : il est habité… il est habité par le diable, quoi !

DuPlessis se prit à rire de bon cœur cette fois.

— Ce diable, répondit-il, est du moins très décent d’apparence quand il se montre aux simples mortels. C’est peut-être pour mieux nous tromper, qui sait ? Je l’ai entrevu hier dans une fenêtre, et, sur ma parole d’honneur, de ma vie je n’ai vu une femme plus jolie que ce diable, M. Gravel.

— Comment ! vous avez osé vous approcher de cette redoutable retraite, sans permission du gardien, sans protection, sans…

DuPlessis ne le laissa point finir :

— Oui, monsieur Gravel, sans autre compagnon que ma curiosité. Et je serais même allé frapper à la porte pour demander de m’ouvrir, sans l’apparition soudaine et malencontreuse d’un gros chien noir qui m’a fait une mine autrement désagréable que celle de votre diable, et m’a obligé à rebrousser chemin.

— Quand je vous disais le diable, monsieur DuPlessis, je voulais dire un diable d’homme, vous comprenez ?

— Vous n’y êtes pas encore tout à fait, mon cher hôte, puisque c’est une femme que j’ai vue.

— Attendez donc un peu, monsieur DuPlessis, vous allez trop vite : car avec cette femme il y a un homme aussi, deux même parfois, sans compter le meunier, qui, à vrai dire, ne demeure pas précisément dans ce manoir, mais dans la petite maison de pierre que vous voyez là située à côté du moulin et reliée au manoir par une sorte de petit pont-levis jeté sur la rivière en deçà de la chaussée. Il y en a bien encore un troisième qui vient faire des visites de temps à autre et