CHAPITRE II
LE MANOIR MYSTÉRIEUX
Depuis le commencement du repas, DuPlessis avait écouté silencieusement son hôte, dont il admirait la loquacité, sans néanmoins se sentir porté à l’imiter. Il était venu loger au « Canard-Blanc » pour tâcher d’y obtenir des renseignements qui pussent lui servir, non pour donner des nouvelles aux curieux, ce qui était la moindre de ses préoccupations. Le moment lui sembla opportun ; il interrompit enfin son interlocuteur pour dire :
— Cet endroit paraît bien choisi, en effet, pour devenir avec le temps un joli centre. Mais est-ce un manoir, cette grande maison bâtie en pierre vis-à-vis le moulin, de l’autre côté de la rivière, et presque perdue dans ce sombre massif d’arbres et derrière cette haute palissade qui semblent en défendre l’approche aux vivants ? Par qui est-elle habitée ?
Ici l’aubergiste se mit à regarder autour de lui comme un homme qui craint que d’autres n’entendent ce qu’il va dire, et il fit signe à DuPlessis de le suivre dans la pièce voisine, pendant que Michel Lavergne et ses gais compagnons s’amusaient à boire, à rire et à chanter.
— Ce manoir, reprit l’aubergiste à demi-voix, en regardant de nouveau autour de lui d’un air craintif, c’est toute une histoire que ce manoir-là. Il s’y passe des choses bien extraordinaires. Les gens de par-ici l’appellent le « manoir mystérieux », et ce n’est pas sans raison, allez !