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LE MANOIR

— Parce que, monsieur, il voulait s’emparer de votre épouse pour arranger ça lui-même, comme il s’exprimait, en ajoutant que je devais m’en retourner de suite vers vous aux Trois-Rivières. Comme, après vous avoir quitté, en réfléchissant, je vins à la conclusion que je ne devais pas exécuter votre ordre, au risque de vous déplaire, et lorsque moi-même je l’avais d’abord approuvé dans un moment de dévouement outré pour vos intérêts, je ne pouvais abandonner une femme faible et sans défense aux mains d’un scélérat comme ce Lavergne. Voyant que je lui résistais, il tira l’épée contre moi et m’en aurait percé si je n’avais tiré un coup de pistolet pour l’effrayer. Je voulais le mettre dans l’impossibilité de nous suivre, en tuant son cheval, mais à un cri qu’il poussa, je vis que je l’avais blessé lui-même. Cependant j’ignorais l’avoir tué. Je n’avais nullement l’intention de le tuer. Le pauvre malheureux, je crains bien qu’il ne fût pas préparé à comparaître devant le Juge suprême !

— Et qu’avez-vous fait de ma lettre qu’il devait vous remettre ?

— Une lettre qu’il devait me remettre ? M. l’intendant, comment avez-vous pu, vous, un homme si prudent confier un message important à une brute comme Lavergne, qui avait peine à se tenir sur son cheval, quand il nous a rejoints, tant il était sous l’effet de la boisson ? Il n’a pas dû faire long de chemin avant de la perdre. Pourvu, au moins, que cette lettre n’ait pas été trouvée ou qu’elle ne contînt rien de compromettant pour vous.

— Deschesnaux, reprit M. Hocquart d’un ton grave, après quelques instants de réflexion, vous êtes un abîme insondable pour moi. Étaler toute cette lugubre histoire aux yeux du public, ce serait faire un scandale sans rendre la vie aux morts. Que les morts reposent en paix, et que Dieu soit juge de ce que