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LE MANOIR

— Vous êtes un démon incarné ! répondit Cambrai tremblant, vous l’avez tuée par ses plus tendres affections.

— Imbécile ! répartit Deschesnaux, ta tâche est remplie, ta récompense assurée, et nos embarras terminés. Regarde dans la rivière : que vois-tu ?

— Je vois des vêtements blancs semblables à un monceau de neige. Dieu ! elle soulève un bras… on ne voit plus rien !

— Au secours ! au secours ! une personne se noie au milieu de la rivière, vis-à-vis d’ici, cria de l’autre côté Raboin, le meunier.

— C’est la dame du manoir qui, dans un accès de folie et, trompant notre surveillance, vient de se jeter à l’eau, répondit Deschesnaux. Avez-vous quelque crochet dont on pourrait se servir pour essayer de la repêcher ?

— Non, dit Raboin, mais je cours demander à M. Gravel s’il en a.

— Dépêchez-vous, ajouta l’hypocrite Deschesnaux.

Cinq minutes plus tard, une trentaine de personnes étaient rendues sur les bords de la rivière entre le moulin et le pont de l’auberge du Canard-Blanc, attendant avec anxiété les résultats des recherches que de chaque rive plusieurs hommes faisaient au fond de la rivière à l’aide de grappins improvisés. Sur ces entrefaites, trois cavaliers passèrent au galop et entrèrent dans le parc du manoir. C’étaient M. Hocquart, DuPlessis et Taillefer. En les voyant arriver, Cambrai disparut, mais Deschesnaux, avec son front d’airain ordinaire, alla au-devant de l’intendant.

— Que signifie ce rassemblement de monde ? demanda celui-ci en sautant à terre.

— Hélas ! monsieur, répondit Deschesnaux des larmes dans la voix, un malheur vient d’arriver.