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MYSTÉRIEUX
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En parlant avec une énergie à laquelle ses traits singuliers ajoutaient quelque chose de fantastique, il présenta à M. Hocquart une lettre attachée simplement par une mèche de cheveux noirs.

Quelqu’aveuglé que M. Hocquart fût par la colère, il prit la lettre des mains du jeune inconnu, pâlit en regardant l’adresse, délia d’une main tremblante le nœud de cheveux qui l’attachait, et, pendant qu’il la lisait, il chancela ; il serait tombé à la renverse, s’il ne se fût appuyé sur le tronc d’un arbre. Il resta quelque temps immobile, la pointe de son épée tournée vers la terre, sans paraître songer à la présence de DuPlessis, qui, non moins surpris que lui, se demandait si sa frénésie n’allait pas le reprendre. Enfin, l’intendant parut s’éveiller pour ainsi dire d’un songe, et, s’avançant vers DuPlessis :

— Lisez, dit-il. Prenez mon épée et percez-moi le cœur, comme je voulais percer le vôtre il y a un instant.

DuPlessis prit la lettre, qui se lisait ainsi :

« J’ai fui la nuit dernière le manoir de la Rivière-du-Loup, en compagnie d’un inconnu compatissant qui a bien voulu me prêter secours, pour échapper à un abominable complot tramé contre mes jours. Arrivée en cette ville, on n’a pas voulu me recevoir à votre maison occupée par le docteur Alavoine, et, supposant que j’étais une actrice, l’on m’a renvoyée au château de M. le commandant, où je demeure inconnue, dans la chambre que le capitaine DuPlessis a eu la bonté de m’abandonner, en attendant que l’on me trouve un asile plus convenable. Tout ce que je demande, c’est d’être délivrée de l’horrible surveillance de Deschesnaux, le plus infâme des hommes, qui n’est pas encore connu, mais qui le sera bientôt dans toute sa méchanceté.