Page:Houde - Le manoir mystérieux, 1913.djvu/210

Cette page a été validée par deux contributeurs.
210
LE MANOIR

naux, qui renonce à tous les biens dont vous l’avez comblé. J’ai servi avec contentement, avec orgueil, le noble, le grand intendant du roi ; j’ai été plus fier de lui obéir que je ne l’eusse été de commander à d’autres ; mais je ne puis consentir à partager le déshonneur du maître qui cède au premier revers de la fortune, et dont les hardis projets se dissipent comme la fumée au plus léger souffle de l’orage.

M. Hocquart fut subjugué par l’accent que Deschesnaux sut donner à ces paroles ; il sembla au malheureux intendant que son dernier ami allait l’abandonner. Il étendit la main vers son confident en murmurant :

— Ne me quittez pas… que voulez-vous que je fasse ?

— Que vous retrouviez votre énergie, votre courage, mon noble maître ; que vous soyez plus fort que ces orages qui bouleversent les âmes vulgaires. Êtes-vous le premier auquel l’ambition intéressée d’une femme ait tendu des pièges ? Vous livrerez-vous au désespoir parce que votre cœur s’est laissé prendre aux apparences d’un sentiment tendre ? Que le projet hardi, mais opportun, conçu par vous-même, devienne un ordre dicté par un esprit supérieur, et j’aurai la fermeté de l’exécuter. C’est l’acte d’une justice impassible.

Pendant que Deschesnaux parlait ainsi, l’intendant le regardait en lui serrant les mains. Il semblait vouloir s’approprier cette fermeté qui était si loin de son cœur. Enfin, avec une tranquillité affectée, il parvint à prononcer ces paroles :

— J’y consens : qu’elle disparaisse ! mais qu’il me soit permis de la pleurer, non telle qu’elle s’est fait connaître, mais telle que je l’ai crue quand je l’ai aimée…

— Non, monsieur l’intendant, point de larmes : elles ne sont point de saison. Il faut penser à DuPlessis qui a tout conduit.